vendredi 2 février 2007

Une nuit d'ennui

Je posais ma main sur mon cou. Sur le côté. Je sentais le sang circuler, mon pouls battre. Je sentais comme un potentiel d'art si j'arrivais à trouver la force de me trancher la gorge. Mais le hic, c'est que j'aimerai rester entière. Sans faille, sans blessure. Ca me fait penser à un morceau de cadavre frais qui, à peine arracher à son propriétaire, se transporte, se love, se déploie dans ma gorge. Ca me donne faim de voir tout ce sang par terre. Je crois même que ça m'excite
Lorsque je le vois, je sens l'animal m'envahir. J'aimerai avoir les dents assez aiguisées pour les lui planter dans la chair. J'aimerai le regarder mourir en buvant son sang. J'aimerai sentir son sang exister à travers moi.
J'en ai barbouiller partout sur mon mur. Partout sur le miroir. Ca donne une belle ambiance je trouve. Tout rouge et jaunâtre. On se croirait dans ces scènes macabres et glauques de films soit-disant intellos qui se révèlent seulement être des films à gros budgets pour des moutons qui se prétendent cinéphiles avertis. C'est beau la naïveté dans le coeur de celui qui croit. On en mangerait. Enfin moi réellement.
Je me rappelle hier soir, lorsque je marchais dans les rues, me couvrant le visage avec mes cheveux, je ne voulais pas qu'ils me voient. A travers mon regard, la traduction de leurs lignes dans ma tête, j'avais envie d'eux. Il y avait ce jeune homme qui attendait sa promise, laide qui plus est, mais sa promise quand même. J'aime beaucoup son visage et ses vêtement qui flottent avec le vent. Surtout son manteau. Son long manteau. J'en veux un comme ça. Comme cette peau si claire et si parfaitement nettoyée et mise en valeur. C'est vrai qu'on en mangerait.
Cette place est si grande et si ouverte qu'on peut voir absolument tout le monde. On peut espionner tout le monde. C'est ça le plus excitant, espionner et l'être également. On se croirait dans une maison d'échangisme. Tenter de croiser le regard de celle en qui on enfoncera son humeur. Sur cette place, c'est pareil. Tout le monde se regarde sans se voir et s'envie. Mais tous attendent quelqu'un. Mais s'il ne vient pas... S'il ne vient pas, il reste le grand méchant loup.
Le jeune homme l'attend, encore et encore et il s'énerve. Il s'en veut d'avoir tant espérer. C'est beau la trahison. La trahison se paie, mon ami. Souvent plus cher que le prix que tu as misé pour l'accomplir. Et le résultat, c'est la vengeance aveugle et puérile. La vengeance cruelle et brute.
Son regard, je l'ai capté. Il sera mien ce soir. Il suffisait de quelques secondes et j'avais déjà sa main dans la mienne, le guidant vers une ruelle menant à un appartement vide dont j'avais subtilisé la clef.
Son parfum dans l'air, ma main sur son torse, nos regards l'un dans l'autre. Et la musique qui venait du quatrième étage. Une violoniste qui jouait sur la musique de sa chaîne Hi-Fi. J'ai enfoncé ma douleur dans sa gorge. Mes doigts sur son cou, se baladant dans ses cheveux. L'excitation ne m'aidait pas à tenir debout, bien au contraire. Il m'a fait basculer par terre. Il m'a demandé mon prénom. Quelle naïveté, lui dis-je, crois-tu réellement que tu aies besoin de savoir qui je suis pour que je t'emmène au septième ciel ? Le principe de ne pas se donner à un inconnu. Ta main dans la mienne, chéri, tu étais déjà fini.
Hier soir, sur le sol, des preuves, nos ADN partout. Les tâches de rouge sur les tâches de blanc. J'emporte avec moi le cœur de l'abandonné. Ca lui apprendra à la promise de ne pas se pointer quand on le lui demande gentiment.
J'ai réellement bon goût, cette veste me va très bien. Comme taillée sur mesure, juste pour moi. Les vestiges matériels des ballades nocturnes rendent la vie bien plus jolie. La vie et moi bien sûr.