mercredi 23 janvier 2008

Rejet

Ce soir, je me dis que si j'avais de la drogue chez moi, si j'avais l'habitude d'en consommer, si ça me faisait de l'effet, je prendrai tout.

Ce soir, je me dis que si un jour, j'ai cessé d'exister, c'est quand nos chemins ont divergés.

Ce soir, je me rends compte que je me mens.

Il y a des journées qui sont le résultat de mois d'efforts à se construire ou à se reconstruire et par un flash, une illumination, on sait qu'on a tort depuis le début. Qu'on s'est planté. Il n'est pas trop tard quand on a le souffle en bouche. Mais où chercher la réponse à l'énigme qu'on croyait avoir résolue ?



La vie normale. Le travail, le bureau qui ouvre chaque jour à la même heure. Le café du matin. Le collègue qui arrive en parlant des résultats de foot et on s'en fiche. On est concentré sur son travail. On pense à ce type qui n'est "qu'un crétin". On regarde l'heure. Bientôt l'heure de manger. Toujours même endroit, même personne. Regarder les actualités. Se remettre au travail. Se réjouir car bientôt l'heure de rentrer. Arriver chez soi. Partager quelques sourires avec l'inconnu. Manger encore. Dormir après avoir régler le réveil pour demain.


La vie normale. Mais pas seulement. Le mouton s'endort dans son train. Bercé par le rythme ininterrompu de la vie normale, il y est confortablement installé et n'aime pas bouger. Même pas le bout de son oreille.

On a tous des passions qui nous sont propres. Et souvent, on s'entoure de gens qui comprennent nos passions ou nos motivations.
Parfois, on se rend compte qu'on s'est entouré de la mauvaise personne. Moi, c'était ce jour-là.


Elle avait faim. Elle se sentait faiblir. Il fallait avancer l'heure du repas de midi. Elle se levait, allait chercher de l'argent au distributeur de billet le plus proche. Immanquablement, il était hors service. Elle repassait devant la boutique de sandwiches, s'en payait un, à défaut d'un vrai repas. Elle retournait au bureau. Elle descendait vers la cuisine commune, pour manger avec les autres. Une fois les discussions d'usages finies, elle remontait, lisait les actualités, apprenait qu'un de ses artistes de coeur venait de mourir. Elle avait un pincement au coeur qui n'allait pas s'en aller de la journée.

Elle essayait de ne pas y penser mais revenait régulièrement sur la page qui annonçait le début d'une grande réflexion. Elle espérait voir venir rapidement l'heure de s'en aller pour respirer mieux et tenter de comprendre. Elle essayait de joindre un ami à elle. Un très proche ami. Une petite manifestation de soutien. Il savait en l'apprenant de son côté, que ça allait la toucher. En rentrant, elle ne trouvait personne. Elle était seule avec son coeur plein de piqures. Elle allait pouvoir réfléchir. Penser à l'identité de celui qui vit avec elle. Celui qui ne comprend pas. Celui qui ne se doute pas. Celui qui lui est pourtant si proche d'elle et pourtant si éloigné. Est-ce réellement lui dont elle a besoin pour s'épanouir ? Alors elle repart à réfléchir. Seule dans son lit, le coussin propre déjà couvert de larmes noircies par le mascara qu'elle a mis ce matin.
Pourquoi ne comprend-il pas ? Pourquoi cet homme au témoignage si véridique n'est-il pas là, dans ce lit, à l'étreindre de toutes ses forces pour la consoler sans un mot. Sans "chut", sans "j'aime pas te voir comme ça", sans "ça va aller".
On s'en fiche si ça va aller ou pas. On s'en fiche que tu n'aimes pas nous voir comme ça. Ca nous agace encore plus d'entendre des "chut" pour nous calmer. Prends moi dans tes bras, sers moi fort, ne dis rien, reste juste là. Pourquoi en faire trop ? Pourquoi toujours chercher à fuir ces émotions en tentant de faire rire l'autre ?

Non.


Il n'est pas lui. Pas l'autre. Nous nous en rendons compte. Nous le savons. Nous nous remettons en question. Nous et les choix que nous avons faits. Ceux qui nous ont mené ici. Allons nous échanger la stabilité pour retourner dans une vie tourmentée ?

Oubliée, oublie moi

Je les veux tous. Ils ne sont pas spéciaux. Ils ont juste le minimum de charme requis. Celui-ci a les cheveux en bataille, une belle gueule et la clope lui va bien. Celui-ci me regarde avec insistance depuis plus d'une heure et n'a pas le courage de venir me payer un verre. Celui qui est adossé au mur discute avec une fille mais n'arrête pas de me sourire. Un autre me frôle en faisant des vas et vient au bar. Je commence à me dire que s'il veut clairement me mettre la main au cul, il n'a qu à y aller... Que s'il ne le fait pas, moi, je vais lui empoigner les couilles fermement histoire qu'il comprenne que celui qui sème, récolte parfois quelque chose. Le grand brun au fond me demande de venir. Je ne sais pas quoi décider même si j'ai l'impression que de toutes façons, j'ai le choix et que même malgré un choix, je peux toujours revenir en arrière.

On joue le rôle qu'on nous donne. Hier, j'étais misérable, abandonnée, sans connaissance, sans amis, sans famille et ce soir, je suis l'impératrice de leurs fantasmes.

Retour à la réalité. Ce soir, je suis fatiguée. J'ai envie de dormir. Mon canapé m'appelle. Un film me tient compagnie et voilà que le cirque commence. Hier, j'ai donné mon numéro de téléphone et "qu'est-ce que tu fais ce soir ?". Maintenant, soit j'assure et je sors. Au risque de rentrer dans quelques jours complètement défoncée par la fatigue, les évènements et le reste. Soit je reste à l'abri dans ma couette, sur mon canapé devant ma télé pour la soirée, au risque que plus personne ne m'appelle avant le prochain plan de soirée. Parce que c'est ça le truc. Trouver un filon et surtout l'exploiter pour toujours obtenir de l'or. Si tu laisses ton filon sur le côté, il t'oublie et t'oublies.

Tiens, à force de glander, je fous rien. J'ai plus trop de thunes. Je me demande bien quoi foutre. Trouver un taff pour remplir le frigo, trouver des morceaux de tissu afin de sortir en tenue "potable".

Le nouveau centre de sociabilisation. Après l'école, le collège, le lycée, la fac, les fêtes, les concerts, internet... le travail. Comment passer 38h par semaine (minimum) à côté de quelqu'un sans lui adresser la parole. On sait tout d'eux maintenant. Ce sont des collègues avec-qui-on-sortirait-bien-un-soir.

Les fêtes, la tribu, ça a du bon. C'est bon. Décision prise : ce soir, je sors. On ne vit qu'une fois. Appel vers P. parce qu'il sait toujours où on peut passer un bon moment avec des gens sympas et de la bonne musique. Ce soir, on sort tous ensemble. Concerts, danses, soirées,...
Voilà que le cirque recommence... Soirée d'extase et demain, on remet ça... Avec ou sans moi.

Petite virée au café du coin. Le barman sait déjà ce qu'il me sert avant même que je lui ai dit bonjour. J'ai ma table, dans le coin au fond. De là, on voit tout. De là, on n'attire que les regards des gens qui cherchent d'autres gens. Y'a ce mec. Il est accoudé au bar. Sa grosse est debout à côté et fait mine de vouloir rentrer. Elle n'est pas ravie d'être là et lui refuse de bouger. Finalement, elle s'arrache en le traitant d'on ne sait quoi. Y'a la jeune femme qui commence à afficher des rondeurs de future mère. Elle est seule. Ses amies ne sont pas encore là. Elle veut de l'attention, parle au serveur qui, pourtant, s'échappe pour prendre une autre commande, tente d'arracher un sourire à l'étudiante dépressive de la table d'à côté. Y'a J., l'étudiant de science-Po qui vient d'apprendre la mort de son pote de primaire. Ca fait longtemps qu'il ne l'a pas vu mais ça le retourne. Il parle tout seul. En venant ici, il espère trouver une épaule pour pleurer et peut-être une aventure pour penser à autre chose. Il y a également trois bandes d'habitués. Ils ne se connaissent pas et pourtant se côtoient tous les jeudis, vendredis et samedis soirs. Tellement absorbés par leur amitié, ils en oublient le reste du monde. Sauf quand l'un d'entre eux s'est fait plaquer ou qu'une des leurs s'ennuie dans le lit conjugal. Là, les regards sortent du cercle à la recherche d'un extra. Généralement, c'est moi.

lundi 7 janvier 2008

L'Ouragan après la sécheresse...

J'avais trouvé un appartement, un boulot, des "amis". J'avais même réussi à garder une relation stable avec un homme. J'avais réussi dans la normalité et je vivais ma vie loin des cris, des massacres, de la peur d'une vengeance fraternelle.

Ca a été dur. Il a fallu refouler beaucoup d'émotions, beaucoup d'automatismes. Mon instinct endormi, j'avais réussi à faire illusion et à paraître la sage brebis que l'on ne soupçonne même pas.


"J'ai enfin trouvé de quoi m'occuper l'esprit. Un job pas chiant, dans l'administratif. Il faut pas mal s'impliquer pour arriver à tout faire mais c'est tranquille dans le sens où ça m'occupe l'esprit plus de 9 heures par jour et où je peux rentrer le soir chez moi sans ramener le travail avec moi.
La société vient de devenir une Société Anonyme. On est à peine dix au bureau et la dernière fois, j'ai vu passer plus de dix mille dollars sur mon bureau. Je n'avais jamais vu de vrais billets dollers US en vrai."

"Ca commence à devenir une ambiance de potes au bureau. On s'entend tous bien. C'est très étrange d'être sociable avec de la sincérité. Ma collègue a une réputation de vrai dragon grognant à la première merde. D'après ce qui se raconte, elle est vraiment insupportable. J'espère pour moi qu'elle va rester calme et sympa. J'espère aussi pour elle.

"C'était extra ! Aujourd'hui, on a été au bowling tous ensemble. C'est l'anniversaire d'un gars du taff. Le plus sympa d'ailleurs. C'était génial. On s'est vraiment très bien amusé."


"Ca fait plusieurs semaines de suite que tous les matins, on descend toutes les trois pour discuter avant de se mettre à bosser. Le dragon, Kate et moi. C'est étrange cette complicité qui vient se former entre trois femmes..."

"Cela fait trois jours que le dragon s'est réveillé. Elle jure, elle hurle, elle rage comme les fous à la télévision. Elle est hystérique. J'ai déjà vu des hommes devenir à ce point fou sous le coup d'une rage qu'ils en viennent à tuer quelqu'un pour revenir à la raison. Je tente désespérément de garder mon calme. J'ai bien peur de ne pas pouvoir me contrôler très longtemps si elle continue de passer ses nerfs sur moi. Je rêve de lui faire subir des choses atroces, des nouvelles tortures auxquelles j'avais pensé avant de tout quitter la dernière fois. Juste pour lui redonner du calme..."

"Une semaine et demie. Je suis sur le point de craquer. Je rêve de la voir pendue au bout
d'une corde, la tête en bas. De lui lacérer le palais, lui arracher les dents, lui planter ses si précieux stylos à billes bleus dans le bout des doigts. De lui couper la langue et lui briser tous les doigts. Lui arracher les oreilles,... Tellement de projets me traversent l'esprit que je me réjouis presque du fait qu'elle devienne incontrôlable."


Je n'ai pas réussi à tenir. L'envie est devenue trop forte. Une telle provocation, une telle invitation au duel et je n'aurai pas répondu ? Jamais. J'aime jouer. Et après une période de sagesse, je crois que mes désirs sont plus violents que jamais. Elle continue de souffrir encore et encore... Maintenue en vie, c'est mon nouveau jouet. Je lui ai donné une bonne raison de hurler.