dimanche 27 juillet 2008

Jeune pousse

J'étais derrière toi dans le bus. Je t'ai regardé rentrer, t'assoir, sortir ton livre et bouquiner en attendant que le trajet se passe. Je t'ai vu réajuster ta jupe, regarder si tes chaussettes étaient toujours à la même hauteur. Je t'ai regarder enlever ta veste, apercevoir le bâtiment des étudiants par la fenêtre, scruter l'horizon à travers le champ qui sépare les deux villes, t'émerveiller devant les arbres qui bordent la grande route.
Je ne sais pas si c'est ta tranquillité apparente qui m'a intrigué ou l'excitation que tu tentais de cacher. Je ne sais pas où tu allais cette fois-ci mais je t'ai vu et je ne t'ai pas lâché.

La fête foraine n'était plus très loin. Le bus a marqué son terminus bien avant ta destination. Obligée de descendre avec les quatre passagers restants. Dont moi. On entendait les musiques, les cris des enfants, le choc des autos tamponneuses. Toi et moi, en direction du cirque ambulant. Se perdre au milieu d'un rêve peuplé de gens étranges et joyeux. Ton cynisme t'a perdu là-bas. Tu ne pensais plus à ces choses que tu aimes faire aux autres. Petite princesse perdue au milieu de nulle part. Le regard calculateur que tu avais en ville t'a lâché. Maintenant, on va pouvoir jouer.

Des reflets te guident à travers le parc. Passer devant la maison des miroirs, le pari du tireur, la pêche aux canards, rien ne t'intrigue plus que cette cabane d'où la lumière rouge sort. Une lumière intense et pénétrante. Découvrir ce qui se cache derrière la porte en bois. Des cheveux à terre, des matières collantes sur les murs. Du rouge, du blanc. L'artifice tombe.

Je t'ai attrapé avant que tu ne pénètres à l'intérieur. Tu avais l'air étonnée et choquée. A quoi pensais-tu en venant ici ? Avoir la paix ? Être seule ? Ne me fais pas rire. Ton existence et tes actes sont calculés pour qu'on ne t'oublie pas, qu'on pense à toi, qu'on te haïsse ou qu'on t'aime, peu importe tant qu'on s'intéresse à toi. Et ne t'inquiète pas, mon intérêt pour tes yeux, tes dents et ton trou béant est bien présent. Tu aimes les jeux dangereux, les heureuses surprises, assouvir ta passion contre quelque chose ou quelqu'un. Chérie, nous avons beaucoup en commun. Par contre, si tu continues de hurler comme ça, je pense qu'on va devoir se passer de tes gestes furieux et de ta voix de poissonnière. J'avais oublié à quel point une fille qui hurle de peur, c'est désagréable quand elle a une voix comme la tienne. J'aime être déstabiliser mais pas par un chant de corbeaux mourants... Je t'ai vu t'énerver sur ces personnes en te cherchant des excuses. Tu ne les connaissais pas non plus, Chérie. Pourquoi je devrais avoir pitié alors que tu as pris tant de plaisir à t'acharner sur des personnes que tu n'as fait que croiser dans ta vie ? La jalousie ? L'ennui ? Là, nos besoins diffèrent. Je détruis ce qui me gêne parce que je suis un nettoyeur. J'aime que les surfaces soient lisses quand je fous le bordel dans les entrailles des gens. J'aime que les draps soient propres quand je viole ta soeur. J'aime que les outils soient brillants pour y voir refléter le sang de ta tignasse ensanglantée. Cette cabane n'est pas une cabane. Ce bois n'est pas du bois. C'est un artifice, un appât pour toutes les petites filles qui s'ennuient et aiment épier les gens pour s'inventer des vies. Pourquoi ? Pour te faire comprendre que ta vie, tu ne l'as vécu qu'au travers des autres. Tu as jouis en imaginant des choses, tu t'es inventé des haines et rancoeurs en t'imaginant des ennemis. Ce que j'aime c'est ce regard exhorbité que tu as maintenant. Tu ne comprends toujours pas que certaines personnes aiment réellement passer à l'acte et que, lorsque ça arrive, tu ne peux rien y faire. Ta "justice" n'est que le fruit de ton imagination mais mon engin te remuant d'en dedans, c'est du concret. Comme le cadavre de ton père dans celui de ta mère. J'espère que tu vois le minutie de mon travail. J'aime aussi le souci du détail, de la mise en scène. A aucun moment tu n'y avais pensé ? Et tu pensais que tu étais la seule à jouer ce petit jeu... Qui je suis ? Je suis ton diable. Celui que tu n'as jamais pensé craindre et qui te sodomise sans préliminaire quand tu ne t'y attends pas.

Le paradis et l'enfer, c'est pour les enfants, pour les inciter à prendre le chemin le plus politiquement correct. Mais nous deux, nous savons que là où je mets mon plaisir dans ta douleur, c'est autant mon paradis que ton enfer. Et pourtant, nous sommes biens vivants tous les deux. Toi, je ne sais pas encore pour combien de temps. Est-ce que tu serais capable de survivre à tes blessures et d'arrêter de te comporter comme une enfant narcissique qui veut encore et toujours de l'attention ? Bien sûr que non. Arrête de pleurer, de toutes façons, je ne fais pas ça pour te juger ou te punir. C'est juste plus jouissif de te voir regretter quand je te maintiens en vie que si tu t'accrochais à l'espoir si je devais t'achever brutalement.

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