vendredi 29 mai 2009

Comme une corde qui résonne

Il faisait beau. Un ciel bleu magnifique. Aucun nuage, une légère brise, un soleil resplendissant. Un après-midi comme celui-ci est un miracle dans cette partie du monde. On le célèbre en restant dehors, en se baladant, en souriant aux passants.
Tout ralentit autour de soi. Tout le monde est plus calme, plus heureux. Les enfants jouent dans la fontaine du village. Les parents sont assis sur des bancs, les yeux fermés, face au soleil. Certains discutent, certains se taisent et profitent des rires enfantins. Les vieillards se mêlent à la foule. Ils côtoient les "jeunes voyous" qu'ils évitent tout au long de l'année. Tout ralentit autour de nous.

Assis sur un banc, tous les trois, on regardait les gens passer. Nous nous sentions bien. Presque en harmonie avec le reste du monde. Même avec les gens. Ca changeait. Sur la place où nous étions, il y a plusieurs autres bancs, parsemés partout sur cette grande surface. Des arbres plantés ici et là. Au centre, une statue chargée d'histoires. Les gens passaient devant nous, nous adressant parfois un sourire. Il faisait beau, il faisait bon.

Je regardais mon frère avec son air béa. Ma sœur se collait contre lui. Elle me regardait, surveillant mon humeur, espérant ne pas voir apparaître une pointe de jalousie. Jamais. Mais elle veillait à l'équilibre. Je regardais les gens, je sentais son regard sur moi. Tout le temps. Ça ne me gêne pas. Ça ne risque même plus du tout de me gêner puisque je m'en fiche. Mon intérêt se porte vers un homme qui traverse la place.
Cet homme a le regard soucieux. Il traîne ses pas, retient ses larmes. Traverser la place. La dernière épreuve. C'est palpable. Tout le monde l'a senti mais tout le monde s'en fout. Tout le monde reste sur son nuage. Tout le monde flotte. Tout le monde se détend, se concentre sur son bonheur éphémère.
Ils ont raison.

"Je reviens mais ne m'attendez pas."

Ca m'intéresse. Je suis curieux. Je veux savoir. Je le suis. Il continue de marcher. Je ne le perd pas. Il s'engage dans une ruelle. Je ne suis pas loin. Il entre dans un immeuble. Il semble vide. Je fais de même. Il ne me voit pas. Il poursuit sa route. Il ne se préoccupe de rien. Il prend les escaliers. Les couloirs sont sombres. Il connait le chemin. Il est venu plusieurs fois. Cette fois, c'est la bonne. On marche. Il arrive au dernier étage. Je ne suis pas loin. Il est dans une grande pièce. Ce devait être un salon. Il y a de grandes fenêtres. Il s'assoit par terre. Il pleure.

La nuit tombe. Il pleure encore. Cela fait quelques heures qu'il a ajouté à ses sanglots, des lamentations. Je comprends mieux ce qu'il est venu faire. Surtout "pourquoi". Il se lève. Il regarde à travers la fenêtre. Il voit mon reflet. Il ne me mentionne pas. Il appose ses mains sur la vitre, au-dessus de sa tête. Il les laisse aller, glisser. Il recommence. Il se frotte sur la vitre. Je vois sa silhouette bouger doucement. Je regarde rapidement la lune. Haute. Brillante. Il pose son front contre la vitre. Il hésite. Il se remet à pleurer de plus en plus fort. Il hurle des choses incompréhensibles. Encore. Encore. Il frappe la vitre. Il la fissure. Il la brise. Il traverse la pièce, saisit une chaise cassée. Il l'emporte et s'en sert pour dégager le reste du verre. Il la rejette au loin. Elle se fracasse contre un mur.
Il ne saute pas. Il s'appuie sur le rebord de la fenêtre sans vitre. Il regarde au loin, tente de se calmer. Il se met à parler mais je ne comprends pas l'histoire. Il mêle les faits avec ce qui aurait du se passer, ce qu'il aurait souhaiter qu'il arrive. Ça ne veut rien dire pour moi, je ne le retranscris pas. L'important, c'est qu'il est là. Qu'il avait tout préparé, qu'il avait tout envisagé sauf moi. Mais il s'en moque.

Il traverse la pièce pour rejoindre un placard. Il en sort une corde. Il va chercher une autre chaise, la place au centre de la pièce. Au-dessus, il était prévu d'accrocher un lustre assez solide. Il y accroche sa corde, s'emmêle le cou dedans, fait pivoter la chaise, mets quelques secondes à s'en aller.

La corde a fait un bruit étrange lorsque le corps est tombé. Comme une corde qui résonne.

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