mardi 24 mars 2009

Hadrien rencontre D.

Monsieur D. est un dieu. Il sait beaucoup de choses. C'est un jeune de 21 ans à peine. Il sait pirater des ordinateurs. Il est modérateur de nombreux forums. Il a conçu plusieurs sites internet. Il fait parti d'une communauté de "hackers". Il connaît pas mal de tuyaux. Il est sur tout les fronts. Il maitrise beaucoup d'applications. Les ordinateurs, internet, les trucs illégaux, ça n'a pas de secret pour lui...
... qu'il dit.

Monsieur D. fait pleins de fautes de français. Il a énormément de lacunes en orthographe, en conjugaison, en grammaire. Il suit des cours de français par obligation. Il n'écoute pas ce que lui dit son professeur, il préfère dessiner sans s'intéresser. A la fin de chaque cours, il va se justifier auprès d'elle : "Je suis dyslexique et dysorthographique... Quand c'est pas l'un, c'est l'autre ! J'ai vraiment pas de chance" annonce-t-il avec un grand sourire faussement navré.

Monsieur D. raconte partout qu'il est ailleurs, que son esprit vagabonde, qu'il est un rêveur dont l'esprit s'emballe vite. Une fois lancé, on ne peut plus l'arrêter. Monsieur D. veut être un webdesigner renommé. Pourtant, lorsqu'on lui demande d'apprendre l'utilisation d'outils qui permettent un rendu réaliste, Monsieur D. s'insurge : "j'aime pas le réel ! C'est nul !". Lorsque ses professeurs tentent de lui expliquer qu'un client s'en moquera de son opinion, il reprend de plus belle : "j'm'en fous. Moi j'arrive à faire de chouettes illustrations à partir de rien... Savoir retoucher une photo, je m'en fiche." Monsieur D. est un rêveur qui aime rester bien enfermé dans son petit monde. En sortir le contrarie fortement.

Monsieur D. est à ce point dans son monde, à se forger ses principes, ses codes, ses opinions toutes faites que lorsqu'il se heurte à certaines vérités prouvées et vérifiées, il réagit comme un ordinateur qui s'apprête à déclarer forfait : "Je préfère penser comme je veux."
Ainsi, si vous rencontrez Monsieur D., ne vous inquiétez pas s'il prête un autre sens aux mots que nous autre employons selon certaines définitions. Ne vous inquiétez pas s'il vous raconte qu'il connaît des extra-terrestres. Ne vous inquiétez pas s'il crache et se met à jurer comme un charetier si vous évoquez un nom de personnalité qu'il a décidé de détester... Vous considèrerez ses raisons comme complètement abruties mais pour lui, c'est absolument convaincant et même légitime.

Monsieur D. parle tout le temps. Il commente tout ce qu'il fait. Il aime être le centre de l'attention des autres. Soit pour qu'on soit fier de lui, qu'on l'envie ou qu'on le plaigne. Il est bruyant, renifle, toussote, respire aussi fort qu'un buffle enrhumé. Lorsqu'il est à vos côtés, il est présent pour vos cinq sens. Aucun doute là-dessus... Vous provoquant parfois une nausée à force de renifler et de ravaler le liquide jaunâtre qui se trouvait dans son nez, ou encore de produire ces bruits de bouche que les vieux font lorsqu'ils tentent de rattraper leur bave qu'ils ne contrôlent plus. Monsieur D. est présent et veut le rester. Il aime se sentir exister à travers vos yeux.


Je n'éprouve pas de pitié pour les faibles. Il semble évident qu'il a du passer une bonne partie de son enfance à chercher désespérement les regards approbateurs de sa mère et qu'il s'est senti misérable le reste de cette période mais pourtant, je m'en fiche. Il me pourrit mon air, mon intellect, ma raison. Ma patience arrive à ses limites et pourtant, j'en ai à revendre de cette mythique patience qui a su me distinguer de mes pairs. Mais là, c'en est trop. L'égorger, lui arracher la langue, le noyer dans la vase, lui inverser les yeux, ça serait trop facile.
Je ne sais pas si c'est de la perversité ou mon côté un poil pédagogue mais l'humiliation me semblait être une méthode très à propos. Déverser un flot de paroles sans aggressivité mais qui pointerait là où il a toujours su que ça lui faisait mal. Insister sur mes théories pour voir si ça le touchait et constater que ça le touchait bien. Le voir nier, lutter, pleurer comme une fillette... Il implorait quand il entendait et comprenait -enfin- le sens des mots que j'employais. Il aurait aimé être sourd, celui qui se prétendait un fin connaisseur de musique rock, qui s'envoyait des heures et des heures de mauvaises notes dans les oreilles, si fort que tout son entourage les entendaient également. Désormais, ce n'est pas nous qui retenons entre nos dents des pulsions de rage, c'est bien lui, le petit D., qui retient entre ses pauvres petites mains, son couteau, celui que sa mère lui a offert quand il est entré chez les scouts.

J'avais ouvert les vannes d'un flot de paroles insupportables et il allait bientôt en faire de même avec ses propres veines. Je le sentais prêt à craquer. J'en rajoutais. Je souhaitais vraiment qu'il soit convaincu, au moment de rendre l'âme, qu'il n'était un minable, un imposteur, une petite merde... un parasite. Un coup de spray dans la gueule mon ami et t'arrêteras enfin de me bourdonner dans les oreilles.

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