lundi 22 janvier 2007

Durant la pluie...

C'était un jour pluvieux. Ils étaient tous les trois à la maison, leurs parents étaient en bas, dans le salon ou à la cuisine. Ils étaient dans la chambre d'Hadrien. Alexandre lisait, Sarah regardait par la fenêtre, assise le long du rebord creusé dans le mur pendant que leur frère dormait en position fœtal dans son lit. C'était l'après-midi. Hadrien avait enfin réussi à s'endormir.

Sarah contemplait les gouttes de pluie tomber sur la vitre juste en face d'elle. Elle ne regardait pas au-delà. Elle réfléchissait. Les soucis s'installaient, le malaise aussi et le sentiment d'impuissance qu'elle avait connu enfant. Elle ressentait à nouveau la peine même si ce n'était pas la sienne. Elle n'aimait pas ce sentiment humain. D'ordinaire, ça la mettait hors d'elle et venant des autres, elle le qualifiait de faiblesse suicidaire.

Alexandre était en quête de concentration. L'empathie qui le liait à son frère jumeau le tuait parfois. Lire aurait presque été le seul moyen pour lui de se détacher de lui sans le quitter réellement. Il fixait cette page depuis presque dix minutes. La même ligne et frénétiquement revenir au même mot, au début de cette même phrase, en haut de cette même page. Et avancer son regard, lire à syllabes détachées dans sa tête, faire vibrer les sons jusqu'à comprendre. S'évader. Non, pas par là. Pourquoi tu penses à ça mon vieux, reviens sur cette page.

Le livre vole à travers la pièce.

- Viens avec moi.
- Non, je veux rester là.
- Il a pas besoin de nous, il dort et faut que j'te parle.

Elle regarde Hadrien, le visage bouffi, les yeux gonflés et rouge, elle pose son regard sur Alexandre, debout, à la porte. Elle acquiesce.

Ils descendent les escaliers après avoir refermé la porte avec soin. Ils croisent leur mère. Elle demande où est le troisième. Il dort, il est souffrant mais rien de grave, pas besoin d'aller l'embêter, ils reviennent dans un moment, ils vont derrière.

- Elle est où ?
- Qu'est-ce que j'en sais ?
- Putain. Tu crois qu'il l'a tué ?
- Non, je pense pas.
- Mais alors quoi ?
- J'en sais rien ! Je te rappelle que j'ai beau être plus maline, je suis pas voyante ! J'peux pas deviner dans les brins d'herbes !
- Qu'est-ce qu'on fait ?
- On va retourner avec lui, on va attendre qu'il se sente assez mieux pour parler et on avisera. Là, on sait que dalle.
- Il a dit quoi quand tu l'as vu ?
- Il a juste dit qu'il l'avait perdue. Mais ça peut vouloir dire pleins de choses. J'étais paniquée moi. D'habitude, il prend le temps de se changer avant de rentrer et là, il pleurait et il était couvert de sang. Je sais même pas à qui il est ce sang ! Je sais même pas ce qui s'est passé. Je comprends pas comment Hadrien a pu devenir du jour au lendemain aussi détruit que ça. Je comprends pas. J'essaie de rester calme mais je comprends pas. Et j'ai peur pour nous.
- Ouais, je me doute.
- Non, t'en sais rien. Et si c'était encore un jeu et que ça avait mal tourné ? Il va arrêté ? Il va nous balancer ? Avoir des états d'âme ?
- Ta gueule.
- Alexandre, regarde moi. On peut pas deviner ce qu'il a dans la tête.
- Tu te rends compte de ce que tu dis ?
- Attends. Ce que je veux dire c'est qu'il faut y penser mais j'oublie pas que c'est notre frère. Et là, en l'occurrence, il a besoin de nous. Mais je ne sais pas quoi faire concrètement. J'ai peur pour lui d'abord mais forcément, à force de tout retourner dans ma tête, je pense à nous.
- Moi j'arrête.
- Tu quoi ?
- Je l'attends. J'attends qu'il revienne.
- De quoi tu parles ?
- On verra bien.

Le regard s'égarant sur ses pieds, Alexandre parlait désormais tout seul. Sarah le tira par le bras pour retourner dans la chambre de leur frère.


Hadrien n'arrive pas à oublier. Hadrien n'arrive pas à faire avancer l'intrigue. La cassette est bloquée sur la chute. Ca fait tellement mal. La chute. Je ne l'ai même pas vue.

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