vendredi 5 janvier 2007

Ouvre les yeux

Hadrien est assis sur son lit. Il regarde le sol et fait courir des souvenirs dans sa tête. Sa gorge se serre, ses yeux se mettent à pleurer. Il sent son coeur battre si fort, le faire tellement souffrir qu'il pense soudainement se l'arracher. Il relève la tête, regarde par la fenêtre cet arbre dans le jardin qui est plus grand que la maison familiale. Il repense à une ballade qu'il a fait dernièrement. Il repense à des éclats de rire. Il repense à tout ce qui pourrait lui faire oublier ce qui s'est passé hier. Mais pourquoi ça ne s'en va pas ? Pourquoi ce n'est pas un simple cauchemar ? Pourquoi la réalité ne reprend-elle pas le dessus ? Il s'énerve. Il se met à pleurer. La tristesse a élu domicile dans sa tête, le désespoir y sous-loue une chambre désormais.

Marla et lui marchent vers un grand bâtiment plus large que haut mais comprenant à peu près une douzaine d'étages. Le bâtiment n'est pas plat, il forme comme une sorte d'angle droit légèrement plus ouvert. Hadrien va se poster dans une chambre dans l'aile droite. Marla va opérer dans une chambre du même côté mais dans l'aile gauche. Par la fenêtre, ils pourront se voir, d'un coup d'oeil vérifier que tout fonctionne, que tout est au point.
Hadrien pose ses affaires dans la chambre. Il va directement sur le balcon repérer où se trouve Marla. Il attend. Il regarde. Une silhouette apparaît. Elle s'approche du rebord, le regarde. Elle sourit. Il lui rend son sourire. Elle fait un signe de tête puis retourne à l'intérieur. Ca ne devrait pas être long.
Il regarde en dessous si c'est si haut. Hadrien n'a jamais eu le vertige. Il a toujours adoré regarder à quelle distance il se trouve lorsqu'il est en hauteur. Il aime imaginer qu'il tombe mais que jamais il ne subira de chute. Puis il regarde au loin. Devant lui, il y a un bâtiment qui lui gâche le paysage. Un autre grand bâtiment. On se rend aisément compte que si ce bâtiment n'était pas là, on aurait une superbe vue sur la plage, la mer, l'horizon et par extension, un magnifique coucher de soleil. Il n'est pas romantique, mais il réfléchit beaucoup.

Son oeil est attiré vers le balcon de Marla. Il tourne la tête et voit qu'elle se débat. Un homme tente de la faire basculer par dessus la rambarde, il la pousse, elle le gifle, il la frappe, la saisit par les cuisses et la balance dans le vide. Hadrien n'a pas le temps de réagir, d'aller à la chambre, de réfléchir, c'est déjà fini.
Et y'a ce putain d'arbre qui l'empêche de voir où est Marla, il refuse de croire mais veut savoir. Son souffle est coupé et il la cherche du haut de ce balcon si haut. Il n'a pas le temps de pleurer. Il se redresse et regarde le balcon de l'autre côté. Il voit l'homme qui ne se cache pas, qui reste sur ce balcon, qui contemple son oeuvre. On croirait presque qu'il est heureux.

Il avale sa salive, ferme les yeux, inspire, relâche sa respiration et ouvre les yeux. Ca va commencer.

Il saisit son sac, celui-là même qu'il avait laissé dans l'entrée, il sort de la chambre, ne la ferme pas, court dans les couloirs jusqu'à cette chambre. Ca ne prendra pas longtemps à retrouver la porte. Il sait où Marla était partie. Il rentre, fixe sa cible, lui lance un poignards dans l'arrière de chacun de ses genoux. Il se précipite vers le balcon, saisit l'homme par les cheveux et le traîne jusque l'intérieur de la chambre, prend le bras droit de l'homme, un couteau, un large couteau, plante l'arme dans la main afin qu'elle soit plantée à même le sol. Il regarde l'homme, stupéfait, horrifié de voir comment la situation a tourné.
Hadrien se lève, allume la lumière, ferme les volets. Il va fermer la porte. Il reste quelques instants à regarder l'homme à terre. La colère monte. Il retourne vers lui, saisit son autre bras mais ne lui réservera pas exactement le même sort qu'à l'autre.

Trou noir.

Hadrien a fini. Il va à la fenêtre, ouvre les volets, se dirige sur le balcon, cherche où est Marla mais il n'y a plus rien. Tout a été embarqué, emballé, nettoyé par les flics, les ambulances. D'ailleurs, faudrait voir à pas traîner dans le coin trop longtemps. Il s'en va.


Sarah entre dans la chambre. Hadrien est assis sur le sol, recroquevillé sur lui-même, il pleure. Sa chemise est maculée de sang. Sarah s'approche de lui, affolée. Mon dieu, qu'est-ce qui t'est arrivé ?
Je l'ai perdue.

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