dimanche 11 mai 2008

Le cadavre sort du placard

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Comment j'ai brisé sa vie.


Je lui avais parlé grâce à notre passion commune : la photographie. Je prenais des photos de portraits principalement et lui, les retouchait. On ne s'était rencontré qu'une fois et brievement. Il m'avait pourtant laissé le souvenir intact d'un don juan qui n'a pas froid aux yeux. Il m'avait abordé en me demandant si je voulais l'embrasser. Tout simplement et sous le regard un peu perplexe de mon compagnon de l'époque, qui était un très bon ami à lui. C'est comme ça qu'il engage la conversation avec les femmes.

Il voulait son baiser. Je voulais en savoir plus. On s'est reparlé. Il m'a montré les photos qu'il avait remaniées et je lui envoyais quelques uns de mes projets. On travaillait en symbiose à distance. On échangeait de la musique, des opinions, des détails sur nos mondes réels et nos mondes imaginaires.
On s'est aimé dans un lit, dans la cuisine, sur la table du salon, dans les bois, dans une salle de cinéma, sur le bord d'une autoroute, d'un wagon de train vide. Seulement dans ces moments-là. En dehors, malgré nos projets, on savait l'un comme l'autre qu'on pouvait se haïr. J'étais une menace potentielle. Je savais certaines choses qu'il cachait depuis des années.

C'est le jour où il a été trop loin que je l'ai trahis. Il fallait que je l'arrête, que je l'empêche de faire du mal à mes proches. C'est beaucoup moins drôle de savoir qu'il joue au docteur quand on sait qu'il le fait sur des gens qu'on apprécie.

On était chez lui. Il avait amené une fille qui était proche de son cercle d'ami. Il me l'avait présenté pendant un de mes séjours chez lui. Et cette nuit, elle était toute seule chez lui. Elle était enfermée dans la chambre d'à côté.
Il est venu m'embrasser, me souhaiter bonne nuit et il est allé la rejoindre. J'ai tout entendu. Je n'ai jamais revu la fille. Et lui non plus après cette nuit-là.

Quand j'ai compris ce qu'il lui avait fait, comme aux autres, qu'il avait touché à quelqu'un de son cercle. Rien ne pouvait l'arrêter. Il se fichait de nous. J'ai contacté ses amis et on s'est arrangé pour que plus jamais il ne nous revoit. On l'a bannit.
On l'a privé de sa maison, des ses parents, de sa soeur, de toutes ses relations sociales et on l'a exilé.


C'est toujours différent quand c'est quelqu'un qu'on connaît. On est tout de suite plus touché. C'est horrible de finir sa vie de cette manière...


Comment il est réapparu...

Nous avons tous refait notre vie depuis. Je me suis séparé de mon compagnon de l'époque. J'ai déménagé à 850 kilomètres de chez moi. J'ai un nouvel ami. Un nouvel appartement. Une nouvelle bande d'amis. Je ne pensais plus à lui. Tout était derrière moi. J'avais tourné la page.
Et hier, il était là. A trois mètres de chez moi. Je sortais pour aller rejoindre des amis, je ne l'avais pas vu tout de suite mais il me suivait. J'ai emprunté une rue étroite et c'est là qu'il m'a rattrapé. Il m'a saisi à la gorge, il serrait de plus en plus fort en me regardant sans un mot.
Je me suis mise à pleurer. Je revoyais un cadavre que j'avais enfermé dans un placard et que j'avais oublié. Je pleurais de peur en le fixant. Je ne pouvais pas croire que c'était lui. Ca ne pouvait pas être lui. C'était impossible. Pas lui.
Il a lâché mon cou mais m'a pris par les bras. Il m'a serré très fort contre le mur et m'a dit que ce n'était que le début. Il m'a frappé, je suis tombée, il s'est enfui.

J'ai continué à pleurer, dans la rue, les jambes tremblantes, à demander "comment ?".

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