vendredi 2 novembre 2007

Colère et Impatience

Quelle tête elle a maintenant. J'en ris tellement fort que je crois que ça la déconcentre complètement sur ce que je suis en train de lui faire.


Je l'ai étudié. A son travail. A son club de gym. A la sortie de l'école de ses enfants. Au restaurant avec son "amor". A son travail, hurlant sur ses collègues. Dans son magasin de fringues préféré avec sa copine vendeuse. A la sortie de l'église, remerciant tellement le père André qu'on se demande s'il ne vient pas de sauver une dizaine d'enfants du cancer par simple imposition des mains.
Elle renifle avec son nez de fouine. Cherche les occasions. Complote de la même manière qu'elle le faisait avec ses camarades de classe lorsqu'elle avait 10 ans. "Moi je l'aime pas, faut la faire punir par la maîtresse". Et des caprices à 45 ans. " Ca fait trois mois que je travaille ici, je veux une augmentation !". Et des yeux doux de biches comme à 25 ans. "Vous ne voulez pas m'aider à me tenir les fesses pendant que je me muscle le dos, monsieur l'entraîneur ?". S'insurge comme une victime lorsque "c'est cette femme derrière moi qui a mis ce bracelet en or massif serti de diamants dans mon sac !!! Je vous le jure monsieur de vigile !"

Sauf qu'à trop pousser les autres, ils avaient décidé de ne plus se laisser faire. Alors les portes se fermaient aussi vite que ses charmes n'étaient plus efficaces, que les rides se marquaient, que les seins rejoignaient Monsieur Nombril. Et elle devenait mauvaise.

L'idée ne lui avait même pas traversé l'esprit. Même après qu'elle ait poussé violemment la jeune femme portant son bébé dans les bras parce qu'elle ne descendait pas assez vite du bus. L'enfant et la mère à terre, les deux visages dans des morceaux de verre brisé et cette vieille femme réprimandant encore la mère et l'enfant qui hurlaient trop fort de douleur.

Le diagnostique des médecins pour les deux victimes ? Qu'est-ce qu'elle en avait à foutre de toutes façons ! Depuis quand les jeunes prennent le bus ? Son bus ! Et avec un enfant, il est de bon ton de claquer encore de l'argent dans une voiture. Le bus, c'est pour les gens qui n'ont pas les moyens, comme elle, la pauvre, qui gagne juste assez pour se payer un palace, une piscine et peut-être un cabriolet pour se féliciter d'avoir perdu un autre kilo.

C'est sur que là, pour le coup, elle pourra s'en acheter plusieurs des cabriolets. Mais personnellement, je ne sais pas comment elle va faire pour les conduire. Elle ressemblait un peu à un rat avant. Je ne sais pas à quoi ça ressemble maintenant. Je n'ai pas assez de recul par rapport à ce que je viens de faire. Je me demande juste si je continue, si je la laisse comme ça, si je l'achève... Je vais juste regarder si elle n'a pas sa barre chocolatée préférée dans son sac et après l'avoir mangé, je prendrais une décision.

Ce soir

Son manteau. C'est son manteau, j'en suis sure. C'est pas vrai. Il est venu ici. Il l'a laissé rentrer chez nous malgré la conversation de la dernière fois. Il a pénétré notre intimité et bien sûr comme toujours, ça ne fait rien à cet homme en qui j'avais placé toute ma confiance.

C'est son manteau. Il a sûrement été dans la chambre, été jusque dans la salle de bain où nos sous-vêtements traînent. Je n'arrive pas à croire qu'il a fait ça. Je lui avais dit qu'après tout ce qui s'était passé, j'avais besoin de temps. De temps pour me remettre et il fait revenir ce déséquilibré chez nous. Dans notre maison. A croire qu'il gagnera toujours. Il reviendra toujours. Ce ne sera jamais chez nous. On n'aura jamais la paix. Que faut-il que je fasse ? Que je parte en douce ? Que je les abandonne tous les deux puisqu'ils s'entendent si bien ?

C'est son manteau chez nous. J'hallucine trente secondes. Le temps de saisir cette chose et de réaliser, d'imaginer la journée d'aujourd'hui entre ces murs. De me rendre compte de la trahison que ça signifie. De la confiance qui s'évapore par chaque parcelle de peau qui me couvre. J'imagine son rire gras dans la cuisine, son étonnement sur la vue qu'on a au balcon. Je vomis ses réflexions stupides, le manque de consistance de son avis, l'inutilité de ses propos. Mais surtout je me rends malade en pensant qu'il a inspecté ma bulle, qu'ils sait "comment c'est chez moi", qu'il sait où je vis, qu'il sait à quoi ressemble ma chambre, qu'il a bu dans un des verres que je porterai probablement à mes lèvres, qu'il a envié des objets que j'ai acheté avec mon amant. Je voudrais, à cette seconde, le pousser du balcon, le noyer dans la baignoire, lui faire manger la merde que je chie tous les matins.

C'est son manteau chez moi. Après le harcèlement, l'omniprésence de son regard, sa perpétuelle demande d'attention, ses pleurs quand je ne lui adressais aucun regard à trois heures du matin, moment préféré de mon organisme pour faire pipi. Et là, il revient. Il va tout tenter pour avoir droit de visite, droit d'entrer, droit de s'incruster, droit de décider, de séjourner et de me demander des comptes.

Je ne dis rien. Je repose le manteau. Je doute mais je réfléchis. Ce n'est probablement pas le sien. Je deviens juste folle et parano. Comme lui. Il a ce qu'il veut ce taré congénital. Je vais le pousser à ne plus revenir, à comprendre que la prochaine fois qu'il pose la main sur notre porte d'entrée, ce sera la dernière parce que je la lui couperai avec mon nouveau hachoir de cuisine. Que je testerai les recettes de cuisine de Monseigneur Lecter. Que ses "amis" ne se forceront plus à le supporter tous les soirs jusqu'à l'aube.

Je ne dis rien. Il y a probablement une raison. C'est peut-être un oubli de la part de mon compagnon. Oublier de me dire que la personne que je hais le plus au monde est passé à la maison. Oui, probablement. C'était juste pour que je ne m'emballe pas. Il ne me l'a pas dit parce qu'il savait que j'allais être furieuse. Et il avait raison. Parce que je suis furieuse. L'autre crétin gagnera toujours. Faible comme une larve, il rampera comme un chien pour avoir un semblant de reconnaissance auprès des personnes qui l'estime le moins.

L'estime. Oui, c'est ça qui manque. C'est ça qui fait qu'on peut réellement supporter quelqu'un. Comme John qui s'est comporté comme un salaud mais qui avait de la consistance. Son intelligence lui a permis de s'en sortir avant que je comprenne tout et j'admets à posteriori qu'il a bien joué. Ce fils de pute mérite un peu d'estime pour l'atrocité de son geste et la minutieuse préparation de son jeu. De l'estime, j'en ai pour les gens qui s'en sortent malgré tout, pour les assassins qui avaient préparé quelque chose. Bien sûr, un crime commis sur un coup de tête ne révèle qu'une basse pulsion humaine. Ainsi, je ne vois pas où est le beau de l'acte. Mais la préparation. La mise en place. La mise à mort. Le côté théâtral... Mon dieu mais cette chose n'a rien. Rien pour plaire. Rien d'extraordinaire. Il est d'une telle banalité, d'une telle platitude que c'en est vexant.

On va faire un petit tour de magie, ça règlera le problème.

dimanche 14 octobre 2007

J'ai fui

J'ai fui. Je suis à l'étranger. J'ai un vrai travail. Je me comporte correctement. J'apprends à être calme, j'apprends à gérer ma colère. J'apprends à vivre avec des êtres humains insupportables sans avoir envie de leur arracher le foie pour m'amuser. J'apprends à être seule, vraiment. J'apprends à gérer ma nouvelle vie. J'apprends à être une autre.

J'ai quand même peur. J'ai peur que mon âme s'en aille. Le calme, l'absence de cris, de douleurs, c'est reposant mais également, la jouissance d'autrefois s'est évaporée. Est-ce que je suis toujours la même ? Est-ce que le prix à payer pour rester en vie n'est-il pas trop élevé ?

Faire disparaitre son ancienne vie et apprendre à naître de nouveau sans aucune folie, sans aucun danger, sans rien d'exceptionnel lorsqu'on a connu le grandiose. Je suis en vie mais parfois je me sens tout de même morte à l'intérieur. J'ai peur des attaches. Le bonheur a remplacé l'excitation. Le calme a remplacé les magnifiques corps mutilés. Parfois, j'aimerai tomber sur un crétin pure et innocent, complètement débile pour pouvoir m'acharner sur lui.

vendredi 2 février 2007

Une nuit d'ennui

Je posais ma main sur mon cou. Sur le côté. Je sentais le sang circuler, mon pouls battre. Je sentais comme un potentiel d'art si j'arrivais à trouver la force de me trancher la gorge. Mais le hic, c'est que j'aimerai rester entière. Sans faille, sans blessure. Ca me fait penser à un morceau de cadavre frais qui, à peine arracher à son propriétaire, se transporte, se love, se déploie dans ma gorge. Ca me donne faim de voir tout ce sang par terre. Je crois même que ça m'excite
Lorsque je le vois, je sens l'animal m'envahir. J'aimerai avoir les dents assez aiguisées pour les lui planter dans la chair. J'aimerai le regarder mourir en buvant son sang. J'aimerai sentir son sang exister à travers moi.
J'en ai barbouiller partout sur mon mur. Partout sur le miroir. Ca donne une belle ambiance je trouve. Tout rouge et jaunâtre. On se croirait dans ces scènes macabres et glauques de films soit-disant intellos qui se révèlent seulement être des films à gros budgets pour des moutons qui se prétendent cinéphiles avertis. C'est beau la naïveté dans le coeur de celui qui croit. On en mangerait. Enfin moi réellement.
Je me rappelle hier soir, lorsque je marchais dans les rues, me couvrant le visage avec mes cheveux, je ne voulais pas qu'ils me voient. A travers mon regard, la traduction de leurs lignes dans ma tête, j'avais envie d'eux. Il y avait ce jeune homme qui attendait sa promise, laide qui plus est, mais sa promise quand même. J'aime beaucoup son visage et ses vêtement qui flottent avec le vent. Surtout son manteau. Son long manteau. J'en veux un comme ça. Comme cette peau si claire et si parfaitement nettoyée et mise en valeur. C'est vrai qu'on en mangerait.
Cette place est si grande et si ouverte qu'on peut voir absolument tout le monde. On peut espionner tout le monde. C'est ça le plus excitant, espionner et l'être également. On se croirait dans une maison d'échangisme. Tenter de croiser le regard de celle en qui on enfoncera son humeur. Sur cette place, c'est pareil. Tout le monde se regarde sans se voir et s'envie. Mais tous attendent quelqu'un. Mais s'il ne vient pas... S'il ne vient pas, il reste le grand méchant loup.
Le jeune homme l'attend, encore et encore et il s'énerve. Il s'en veut d'avoir tant espérer. C'est beau la trahison. La trahison se paie, mon ami. Souvent plus cher que le prix que tu as misé pour l'accomplir. Et le résultat, c'est la vengeance aveugle et puérile. La vengeance cruelle et brute.
Son regard, je l'ai capté. Il sera mien ce soir. Il suffisait de quelques secondes et j'avais déjà sa main dans la mienne, le guidant vers une ruelle menant à un appartement vide dont j'avais subtilisé la clef.
Son parfum dans l'air, ma main sur son torse, nos regards l'un dans l'autre. Et la musique qui venait du quatrième étage. Une violoniste qui jouait sur la musique de sa chaîne Hi-Fi. J'ai enfoncé ma douleur dans sa gorge. Mes doigts sur son cou, se baladant dans ses cheveux. L'excitation ne m'aidait pas à tenir debout, bien au contraire. Il m'a fait basculer par terre. Il m'a demandé mon prénom. Quelle naïveté, lui dis-je, crois-tu réellement que tu aies besoin de savoir qui je suis pour que je t'emmène au septième ciel ? Le principe de ne pas se donner à un inconnu. Ta main dans la mienne, chéri, tu étais déjà fini.
Hier soir, sur le sol, des preuves, nos ADN partout. Les tâches de rouge sur les tâches de blanc. J'emporte avec moi le cœur de l'abandonné. Ca lui apprendra à la promise de ne pas se pointer quand on le lui demande gentiment.
J'ai réellement bon goût, cette veste me va très bien. Comme taillée sur mesure, juste pour moi. Les vestiges matériels des ballades nocturnes rendent la vie bien plus jolie. La vie et moi bien sûr.

mardi 23 janvier 2007

Alors qu'il ne bouge pas...

C'est un coup d'Alexandre. Ou peut-être même de Sarah. Ils étaient jaloux. C'est forcément eux. Ils ne pouvaient pas supporter qu'elle m'arrache à eux. Qu'on ne soit plus tous les trois, qu'elle existe, que je l'aime, qu'elle m'aime aussi, que je ne la massacre pas comme les autres. Alexandre ne comprendra jamais ce rapport à l'autre et Sarah... Sarah... Mais qu'est-ce qu'on pourrait bien lui demander de toutes façons, elle qui n'a jamais aimé que sa petite personne. Ca l'arrangeait bien de nous suivre, elle est encore plus pourrie de l'intérieur que nous. Je suis sur que c'est elle qui l'a tué. Elle qui a organisé tout ça. Elle qui m'a trahi. Elle a sûrement pensé que c'est moi le traître. Mais comment a-t-elle pu imaginer un plan aussi horrible ? A qui elle a fait des avances ? Qui a-t-elle manipulé pour nous faire venir dans cette chambre là ? Comment elle savait ? Elle aurait joué avec notre inconscient à tous les deux ? A moi et ma ... Marla ? Je n'arrive pas à imaginer qu'elle ait pu faire une chose pareille. Mais si elle croit, cette petite garce, que parce que les liens du sang nous unissent je vais l'épargner, elle se trompe. Je vais la liquider au sens propre du terme. La réduire à néant. La faire bouillir dans de l'acide, la faire bouffer par les porcs,... En fait, il faudrait trouver une mort affreuse et sadique, à la hauteur de son génie et de sa perversion. Histoire de lui rendre hommage. Je pourrai faire ça avec Alexandre. Il aura des difficultés mais il le fera. Parce qu'après tout, elle n'est pas comme nous. Elle ne vient pas de la même souche. Elle est une copie. Il faut se préserver. Alors je verrai avec Alexandre pour la finir lorsque j'en aurai assez de la torturer. Cette salope...

lundi 22 janvier 2007

Durant la pluie...

C'était un jour pluvieux. Ils étaient tous les trois à la maison, leurs parents étaient en bas, dans le salon ou à la cuisine. Ils étaient dans la chambre d'Hadrien. Alexandre lisait, Sarah regardait par la fenêtre, assise le long du rebord creusé dans le mur pendant que leur frère dormait en position fœtal dans son lit. C'était l'après-midi. Hadrien avait enfin réussi à s'endormir.

Sarah contemplait les gouttes de pluie tomber sur la vitre juste en face d'elle. Elle ne regardait pas au-delà. Elle réfléchissait. Les soucis s'installaient, le malaise aussi et le sentiment d'impuissance qu'elle avait connu enfant. Elle ressentait à nouveau la peine même si ce n'était pas la sienne. Elle n'aimait pas ce sentiment humain. D'ordinaire, ça la mettait hors d'elle et venant des autres, elle le qualifiait de faiblesse suicidaire.

Alexandre était en quête de concentration. L'empathie qui le liait à son frère jumeau le tuait parfois. Lire aurait presque été le seul moyen pour lui de se détacher de lui sans le quitter réellement. Il fixait cette page depuis presque dix minutes. La même ligne et frénétiquement revenir au même mot, au début de cette même phrase, en haut de cette même page. Et avancer son regard, lire à syllabes détachées dans sa tête, faire vibrer les sons jusqu'à comprendre. S'évader. Non, pas par là. Pourquoi tu penses à ça mon vieux, reviens sur cette page.

Le livre vole à travers la pièce.

- Viens avec moi.
- Non, je veux rester là.
- Il a pas besoin de nous, il dort et faut que j'te parle.

Elle regarde Hadrien, le visage bouffi, les yeux gonflés et rouge, elle pose son regard sur Alexandre, debout, à la porte. Elle acquiesce.

Ils descendent les escaliers après avoir refermé la porte avec soin. Ils croisent leur mère. Elle demande où est le troisième. Il dort, il est souffrant mais rien de grave, pas besoin d'aller l'embêter, ils reviennent dans un moment, ils vont derrière.

- Elle est où ?
- Qu'est-ce que j'en sais ?
- Putain. Tu crois qu'il l'a tué ?
- Non, je pense pas.
- Mais alors quoi ?
- J'en sais rien ! Je te rappelle que j'ai beau être plus maline, je suis pas voyante ! J'peux pas deviner dans les brins d'herbes !
- Qu'est-ce qu'on fait ?
- On va retourner avec lui, on va attendre qu'il se sente assez mieux pour parler et on avisera. Là, on sait que dalle.
- Il a dit quoi quand tu l'as vu ?
- Il a juste dit qu'il l'avait perdue. Mais ça peut vouloir dire pleins de choses. J'étais paniquée moi. D'habitude, il prend le temps de se changer avant de rentrer et là, il pleurait et il était couvert de sang. Je sais même pas à qui il est ce sang ! Je sais même pas ce qui s'est passé. Je comprends pas comment Hadrien a pu devenir du jour au lendemain aussi détruit que ça. Je comprends pas. J'essaie de rester calme mais je comprends pas. Et j'ai peur pour nous.
- Ouais, je me doute.
- Non, t'en sais rien. Et si c'était encore un jeu et que ça avait mal tourné ? Il va arrêté ? Il va nous balancer ? Avoir des états d'âme ?
- Ta gueule.
- Alexandre, regarde moi. On peut pas deviner ce qu'il a dans la tête.
- Tu te rends compte de ce que tu dis ?
- Attends. Ce que je veux dire c'est qu'il faut y penser mais j'oublie pas que c'est notre frère. Et là, en l'occurrence, il a besoin de nous. Mais je ne sais pas quoi faire concrètement. J'ai peur pour lui d'abord mais forcément, à force de tout retourner dans ma tête, je pense à nous.
- Moi j'arrête.
- Tu quoi ?
- Je l'attends. J'attends qu'il revienne.
- De quoi tu parles ?
- On verra bien.

Le regard s'égarant sur ses pieds, Alexandre parlait désormais tout seul. Sarah le tira par le bras pour retourner dans la chambre de leur frère.


Hadrien n'arrive pas à oublier. Hadrien n'arrive pas à faire avancer l'intrigue. La cassette est bloquée sur la chute. Ca fait tellement mal. La chute. Je ne l'ai même pas vue.

lundi 8 janvier 2007

Entracte

Le temps coule, les nuages continuent leur chemin et nous, nous avançons encore et encore à reculons. T'en as pas marre de ne pas savoir où tu vas ? Parce qu'en ce moment, je le sens que ma planète a du mal à tourner. Hadrien me le fait sentir. Il souffre réellement en moi. Il hurle tout ce qu'il peut en espérant que ça la ramènera mais il sent bien qu'il n'y peut rien.
Dis moi juste une chose, est-ce qu'on s'en sortira ? Tu peux vraiment me faire cette promesse ? Celle d'un espoir futur, d'une résolution presque heureuse, d'un avancement ? J'en suis presque à souhaiter une tuile. Hadrien regrette. Sarah espère et Alexandre ne comprend pas. Je ne comprends pas. Tu pourrais m'aider à comprendre ce qui m'arrive ? Pourquoi ces gens ont élus domicile dans ma tête ? Pourquoi Hadrien a affecté mon coeur ? Il me pourrit les yeux et Sarah crache des doutes. J'ai besoin d'une canne pour avancer. Je ne te demande rien. Je veux juste savoir que toi, tu vas avancer pour moi. Que tu ne renonceras pas. Pour moi.
On était au bord du lac la dernière fois avec les trois. On se promenait. Enfin concrètement j'étais seule mais lorsqu'on rêve assez fort, nos rêves sont réels. C'est l'avantage à être fou. On se promenait donc au bord de ce lac. Hadrien souriait encore. Mon dieu, j'en pleure d'y repenser. Sarah restait à côté d'Alex. Ils marchaient juste. Le long du lac. Et je me suis arrêté. On est donc allé s'assoir, les pieds dans l'eau. J'ai eu un pressentiment affreux, comme la première fois. Est-ce que j'aurai pu aider Hadrien ? Il me regardait avec toute l'affection qu'on porte à sa meilleure amie. Il me regardait et j'ai eu de la peine pour lui mais je ne savais pas pourquoi. Hadrien est venu s'assoir à côté de moi. On est restés silencieux tous les deux pendant que les deux autres s'amusaient à effrayer les canards et les cygnes. L'avantage avec le froid hivernal, c'est qu'il n'y a personne qui vient se frotter à toi, que tu peux t'incruster dans un paysage sans erreur.
J'ai besoin d'aide. Je le sais. Je ne sais pas à qui appartient cette larme. Je ne me rappelle pas pourquoi ils ont fait ça. Je ne sais pas ce qui s'est passé dans cette chambre. Je me rappelle juste de ces pleurs. Je me rappelle de cette moquette sur laquelle il était assis. Je me rappelle du regard de sa sœur. Je me rappelle de la chute, du bruit, du sourire. Je me rappelle du balcon. Je me rappelle de cette putain de fenêtre, je me souviens parfaitement du dernier regard qu'elle nous a adressé avant de disparaître. Hadrien l'a perdue mais à la longue je me demande si moi aussi je ne l'aurai pas perdue. Lui a perdu sa raison, son sang-froid, son immortalité. Aurai-je perdu quelque chose d'aussi important et vital pour moi ?
J'avais tort. Je ne suis pas assez forte pour les porter tous les trois. Regarde dans quel état il est. Il n'arrive même plus à respirer tellement la douleur est grande. Regarde le mon fils. Mon petit garçon. Regarde le s'effondrer sur ce mur en se tortillant de douleur. Et regarde moi. Moi, je souffre pour n'importe quoi, pour du vent, pour quelqu'un qui n'existe pas.
C'est un transfert ma chère patiente. Je te jure, je le jure, je jure que le prochain a m'appelé sa chère patiente, je lui fais subir le même sort qu'à cet enfoiré dans ce putain d'immeuble.
Mais n'empêche ? Aurait-il tort ? Il faut chercher. Il faut qu'on arrive à trouver. Je ne sais pas où exactement le temps s'est effacé. Je ne sais pas non plus quand tout s'est envolé... Tu veux bien hurler avec moi ? Je ne suis pas sure d'y arriver seule...

vendredi 5 janvier 2007

Ouvre les yeux

Hadrien est assis sur son lit. Il regarde le sol et fait courir des souvenirs dans sa tête. Sa gorge se serre, ses yeux se mettent à pleurer. Il sent son coeur battre si fort, le faire tellement souffrir qu'il pense soudainement se l'arracher. Il relève la tête, regarde par la fenêtre cet arbre dans le jardin qui est plus grand que la maison familiale. Il repense à une ballade qu'il a fait dernièrement. Il repense à des éclats de rire. Il repense à tout ce qui pourrait lui faire oublier ce qui s'est passé hier. Mais pourquoi ça ne s'en va pas ? Pourquoi ce n'est pas un simple cauchemar ? Pourquoi la réalité ne reprend-elle pas le dessus ? Il s'énerve. Il se met à pleurer. La tristesse a élu domicile dans sa tête, le désespoir y sous-loue une chambre désormais.

Marla et lui marchent vers un grand bâtiment plus large que haut mais comprenant à peu près une douzaine d'étages. Le bâtiment n'est pas plat, il forme comme une sorte d'angle droit légèrement plus ouvert. Hadrien va se poster dans une chambre dans l'aile droite. Marla va opérer dans une chambre du même côté mais dans l'aile gauche. Par la fenêtre, ils pourront se voir, d'un coup d'oeil vérifier que tout fonctionne, que tout est au point.
Hadrien pose ses affaires dans la chambre. Il va directement sur le balcon repérer où se trouve Marla. Il attend. Il regarde. Une silhouette apparaît. Elle s'approche du rebord, le regarde. Elle sourit. Il lui rend son sourire. Elle fait un signe de tête puis retourne à l'intérieur. Ca ne devrait pas être long.
Il regarde en dessous si c'est si haut. Hadrien n'a jamais eu le vertige. Il a toujours adoré regarder à quelle distance il se trouve lorsqu'il est en hauteur. Il aime imaginer qu'il tombe mais que jamais il ne subira de chute. Puis il regarde au loin. Devant lui, il y a un bâtiment qui lui gâche le paysage. Un autre grand bâtiment. On se rend aisément compte que si ce bâtiment n'était pas là, on aurait une superbe vue sur la plage, la mer, l'horizon et par extension, un magnifique coucher de soleil. Il n'est pas romantique, mais il réfléchit beaucoup.

Son oeil est attiré vers le balcon de Marla. Il tourne la tête et voit qu'elle se débat. Un homme tente de la faire basculer par dessus la rambarde, il la pousse, elle le gifle, il la frappe, la saisit par les cuisses et la balance dans le vide. Hadrien n'a pas le temps de réagir, d'aller à la chambre, de réfléchir, c'est déjà fini.
Et y'a ce putain d'arbre qui l'empêche de voir où est Marla, il refuse de croire mais veut savoir. Son souffle est coupé et il la cherche du haut de ce balcon si haut. Il n'a pas le temps de pleurer. Il se redresse et regarde le balcon de l'autre côté. Il voit l'homme qui ne se cache pas, qui reste sur ce balcon, qui contemple son oeuvre. On croirait presque qu'il est heureux.

Il avale sa salive, ferme les yeux, inspire, relâche sa respiration et ouvre les yeux. Ca va commencer.

Il saisit son sac, celui-là même qu'il avait laissé dans l'entrée, il sort de la chambre, ne la ferme pas, court dans les couloirs jusqu'à cette chambre. Ca ne prendra pas longtemps à retrouver la porte. Il sait où Marla était partie. Il rentre, fixe sa cible, lui lance un poignards dans l'arrière de chacun de ses genoux. Il se précipite vers le balcon, saisit l'homme par les cheveux et le traîne jusque l'intérieur de la chambre, prend le bras droit de l'homme, un couteau, un large couteau, plante l'arme dans la main afin qu'elle soit plantée à même le sol. Il regarde l'homme, stupéfait, horrifié de voir comment la situation a tourné.
Hadrien se lève, allume la lumière, ferme les volets. Il va fermer la porte. Il reste quelques instants à regarder l'homme à terre. La colère monte. Il retourne vers lui, saisit son autre bras mais ne lui réservera pas exactement le même sort qu'à l'autre.

Trou noir.

Hadrien a fini. Il va à la fenêtre, ouvre les volets, se dirige sur le balcon, cherche où est Marla mais il n'y a plus rien. Tout a été embarqué, emballé, nettoyé par les flics, les ambulances. D'ailleurs, faudrait voir à pas traîner dans le coin trop longtemps. Il s'en va.


Sarah entre dans la chambre. Hadrien est assis sur le sol, recroquevillé sur lui-même, il pleure. Sa chemise est maculée de sang. Sarah s'approche de lui, affolée. Mon dieu, qu'est-ce qui t'est arrivé ?
Je l'ai perdue.