lundi 31 juillet 2006

La pensée d'Hadrien

Première séance de psychothérapie pour Hadrien. Il a 24 ans. Il est conscient de tout. Il est réfléchi, calme et tout disposé à se livrer. Est-ce parce qu'il en a besoin ? Alexandre avait peur que ce soit pour soulager son âme à cause de cette "pute de morale qu'il a vu à la télé". Sarah pense que c'est la curiosité qui l'a poussé à y aller. Hadrien est lui-même partagé, ne donnant raison ni à l'un, ni à l'autre.

Hadrien livre ses premiers secrets. Les raisons de sa naissance et de celle de son frère. Leur enfance, l'arrivée de Sarah, les grand-parents, toutes les choses qu'il juge être à l'origine de sa personnalité. Il avoue qu'Alexandre et lui portent en eux une différence, un sentiment très puissant de pouvoir que lui mesure et non son frère. Tout comme Sarah...

Depuis que je suis petit, j'ai très conscience de ne pas avoir un destin banal. Je suis très conscient que je vais accomplir des choses qui dépasseront l'entendement du citoyen lambda. Je ressens cette force en moi. Je ne veux pas me vanter Docteur mais tous les trois, nous sommes supérieurement intelligents. Même si ce n'est pas évident quand on connaît mon frère mais il me semble que si nous nous en sommes toujours sortis, c'est aussi grâce à ça.

Le "docteur" comme il le nomme pense alors sûrement aux aléas de la vie. A la mort de Grand-Mère, à l'endettement du père ou tout simplement au déménagement qu'ils ont probablement subis étant petits.

Je veux dire... nous prenons plaisir à faire ce que nous faisons. Nous le faisons bien. Et parfois Alex nous appelle des "artistes". Je ne sais pas s'il a complètement raison mais c'est vrai que parfois je me perds à la vue de telle ou telle couleur. Je me perds dans la magnificence du moment. J'aime tellement cette puissance, ce pouvoir.

Peut-être que ce qui caractérise ce garçon, c'est le fardeau du succès...

Nous sommes les maîtres du monde. C'est ce que je ressens dans ces moments-là. Et parfois, c'est normal, on subit des menaces. Et Maman nous a très bien élevés par rapport à ça. Elle dit toujours que "le silence est le plus grand des mépris". J'en ai pris mon parti pour en faire un "C'est quand on a rien à perdre qu'on peut tout faire, sans limite". Alors les menaces, les chantages, ça nous passe par dessus la tête. Papa ne comprenait pas. Il disait qu'on était des têtes brûlées. Qu'on ne réfléchissait pas aux conséquences. Mais il n'a jamais pu comprendre.

Alors leur père doit être parti ou mort selon ses dires.

Je pense que c'est elle qui l'a fait partir. Maman. Elle voulait qu'on s'épanouisse dans notre art, qu'on donne le meilleur de nous-même. Je n'arrive pas à comprendre qu'elle ne soit pas fermée à ce qu'on fait. D'années en années, je suis toujours aussi étonné du soutien qu'elle nous apporte. Comme si elle n'avait pas pu accomplir elle-même ce qu'on fait.

Visiblement oui, c'est bien d'art dont il parle. Sa mère doit être frustrée et a dû pousser ses enfants vers une voie qu'elle fantasmait. Intéressant.

Je me souviens de la première. Elle était magnifique. Sculptée dans le marbre. Laura elle s'appelait. Alexandre m'avait dit que c'était une expérience unique. Nos parents s'étaient absentés. Sarah était partie je ne sais plus où, on avait la maison juste pour nous deux. On avait décidé de faire une fête. J'avais invité Laura. Alexandre s'était assuré que son copain ne viendrait pas. Si vous voyez ce que je veux dire. A un moment, on était plus que tous les deux. Et je l'ai goûté. J'ai goûté au monde ce soir-là. C'est par elle que tout a commencé.

Cette première expérience sexuelle doit être à l'origine de ses premières inspirations artistiques.

Au fait, je compte manger ces quelques biscuits... Vous en voulez ? J'ai un petit creux

Ils ont l'air bons ces biscuits... Pourquoi pas...

J'avais conscience de ce dont j'étais capable de faire. Mais je ne sais pas si c'est parce que j'étais trop jeune ou si c'est parce que j'avais peur... Toujours est-il que pour moi, c'est venu plus tard que pour Alexandre. J'ai jamais eu de complexe par rapport à ça. C'était naturel. Dans l'ordre des choses, de mon évolution personnel. Si je ne l'ai pas fait avant, c'est que je ne devais pas être prêt.

De sexe ou d'art ? Ecoutons...

Est-ce que j'aurai pu passer à côté de tout ça ? Est-ce que j'aurai pu mener une vie "normale" ? Est-ce que j'aurai pu être comme tout le monde ? Je ne pense pas. Je ne crois pas non plus, comme on l'entend dans les médias, que c'est à cause de l'éducation de nos parents. Je sais que je suis né comme ça. Je suis né avec des desseins particuliers. Je suis né avec cette aspiration personnelle. J'en suis certain. Maman ne nous a donné qu'un coup de pouce mais je ne pense pas qu'elle soit entièrement responsable.

Il est conscient du rôle de la mère dans son évolution mais ne lui cherche-t-il pas des excuses pour l'orientation de ses choix de vie ?

En tous cas, je crois comprendre maintenant que j'en ai parlé à haute voix, que rien n'aurait pu être différent. J'espère que vous avez aimé les gâteaux... C'est ma soeur qui les a faits. A base de Lepiota clypeolaria.

De quoi ?

Adieu docteur.

vendredi 28 juillet 2006

Richard, 28 ans.

Sarah dit : Hadrien ! Alex ! Descendez ! J'ai eu une nouvelle lettre de l'autre écervelé !
Hadrien dit : Ouvre la !
Alex dit : C'est mieux que la télé ce connard !

Sarah,

Je t'ai attendu. Tu m'as quitté quand je t'ai enfin aimé pleinement. Tu m'as quitté lorsque je n'avais plus que toi. Tu m'as abandonné quand tu as pu t'envoler seule. Tu m'as transformé. Je ne peux plus vivre sans toi. Tu m'as bouleversé. Sarah, cette nouvelle lettre, ce n'est pas une nouvelle supplication pour que tu reviennes. Sarah, si je t'écris ces mots, c'est pour te dire que plus jamais je ne t'ennuierai. Sarah, je compte mettre fin à mes jours. Ma vie sans toi ne vaut rien. Je ne suis rien sans toi. Je n'y arriverai pas sans toi. Tu es tout ce que j'ai, toute ma vie. Sarah, je t'aime. Je te laisse tout ce que j'ai. Tu m'as fait découvrir l'amour et le bonheur. Et je ne t'en veux pas tant pour m'avoir fait autant de peine. Comme tu disais, il y a toujours un équilibre. Je suis déjà heureux que tu ai daigné m'accorder un morceau de ta vie alors que j'étais un vrai connard. Il faut le dire. Tu m'as aimé malgré mes péchés passés. Tu m'as aimé malgré ses soupçons sur moi. Je voulais te l'avouer, j'ai bien faits toutes ces choses dont on parle dans mon dos. Je te dois bien la vérité à toi. J'ai été une ordure. Je ne te méritais pas. Je ne méritais pas ton attention mais l'Amour que tu m'as offert. Peut-être que c'est ça qui sauvera mon âme. Dans ma prochaine vie, je souhaite te retrouver car je ne suis le meilleur de moi-même que lorsque tu es là. Je vais me tuer Sarah. Ne regrette pas.

Je t'aime et t'aimerai toujours,

Richard.


Alex dit : J'suis déçu... J'aurai cru qu'il tiendrait plus longtemps.
Hadrien dit : T'as vraiment bien joué !
Alex dit : J'commençais à l'apprécier... J'suis vraiment déçu.
Sarah dit : Quel crétin !
Hadrien dit : Attends, y'a une autre lettre ! Ouvre !
Alex et Hadrien disent : Ouvre ! Ouvre ! Ouvre !



...

Marla, bras droit de l'Equation

Bonjour.

Je m'appelle Marla et je pense que je vais te pourrir la vie. Je t'observe depuis plusieurs mois et j'en ai conclus que tu étais l'être le plus minable, le plus odieux et le moins respectueux que j'ai jamais rencontré.

Je t'ai vu écraser d'un geste une armée de jeunes femmes. Je t'ai vu trahir des gens, trahir tes propres amis, trahir ta famille. Tu ne crois en rien, et je pense qu'au plus profond de toi, tu ne crois même pas en toi-même. Tu t'accroches à la moindre chose qui pourrait te flatter et te persuader que tu es un véritable être humain... avec un coeur. C'est beau ce que tu fais... Mais en y regardant de plus près, rien n'est de toi. Tu ne fais que recycler le moche pour l'expulser au plus court chemin de ton cerveau. Trois doigts plus tard, ton art pour pauvres est accessible à tous... Que dis-je, à toutes.

Aucun respect pour toi donc, ni pour tes amis que tu estimes minables lorsqu'ils te donnent des discours contraires à ce que tu aimerais entendre. Tu les juges grossiers de se mêler de ta vie parce qu'ils t'apportent quelques conseils. Les gros lourds qui devraient te laisser vivre ta vie de minable que tu aimes jouer. "La vie est un jeu"... Accepte de perdre. Plus vite tu auras compris que ta jauge de vie n'est pas éternelle, plus vite tu admettras que certains enemis peuvent être plus cruels que toi.

" Bonjour, je m'appelle Marla, j'ai 20 ans et je suis porteuse d'une maladie rare.
Bonjour Marla.
J'ai une maladie qui peut infecter les femmes. Sexuellement. Je ne suis pas homosexuelle mais si je couche avec un homme sans protection, il devient porteur à son tour et risque de transmettre la maladie à ses partenaires féminines sans jamais le savoir. J'ai été soignée lorsque j'étais plus jeune mais je serai toujours porteuse de ce truc. Je suis en quelques sortes condamnée à me protéger si je veux contenir la maladie. En fait, moi, je n'ai plus de symptômes. Ca se manifeste sous la forme de ... non, je ne peux même pas le dire tellement c'est dégueulasse. A la longue, ça peut rendre stérile. C'est effrayant de penser que si je ne fais pas attention, je peux rendre stérile des femmes par l'intermédiaire de mes petits-copains."

J'avais peur. Et depuis que je te connais, je sais pourquoi le Destin m'a donné cette maladie.

"John. Tu as encore envie de moi ? Depuis le temps où je me refuse à toi, tu veux bien me conquérir ? Alors possède moi. Cette nuit, je serai tienne. Finalement, tu avais raison, il faut savoir se faire plaisir. Je vais m'offrir à toi. Tu ne veux réellement pas te protéger John ? Si j'ai confiance en toi ? Bien sûr. J'ai toujours eu confiance en toi. John, fonds toi en moi. Enfonce toi au plus profond de mon être. J'aime te sentir sur moi, me prendre. J'aime t'appartenir. Tu es venu si vite John. Mais 20 minutes, c'est bien. Que je m'en aille désormais ? Oui, je savais que tu ne voudrais plus de moi une fois que tu auras eu ce que tu convoitais. Non, je ne t'en veux pas. L'ennemi s'en va."

Tu apprendras plus tard, beaucoup trop tard, que les péchés se paient. Tous. Et que Dieu n'existe pas, mais ses Deux Ex Machina si. Dieu n'existe pas mais le monde est mathématique. Le monde est équation. Et je suis l'enigme qui te détruira. Le fléau que tu as semé partout, va te tuer. Une graine prendra forme et je serai derrière toi. La beauté de la situation, c'est que c'est toi-même qui te suicideras. Alors rendez-vous en Enfer.

lundi 24 juillet 2006

Jessica, 12 ans.

Jessica était notre unique fille. Elle venait de fêter son douzième anniversaire. Nous avions été faire les magasins toutes les deux. Son père et moi nous étions arrangés. Je la revois encore admirer sa belle robe rose dans la vitrine.

Elle essuie ses larmes.

J'aurais jamais imaginé que ça puisse se passer de cette manière. J'avais fait venir plusieurs agents de sécurité... Vous comprenez, comme son père et moi sommes riches, nous savons que parfois des paparazzis peuvent porter atteinte à la vie privée de nos enfants... Et puis nous avons peur des kidnappings depuis ce qui est arrivé aux Harris à Berlin. Mais...

Elle se mouche et sanglote encore.

On avait fait venir une coiffeuse de New-York pour sa fête... Elle était patiente... Elle se regardait dans le miroir... Elle avait les yeux qui pétillaient... C'est trop injuste.

Elle baisse les yeux, essuie ses larmes... Elle respire à fond. Son visage se ferme, ses traits deviennent plus que sévères.

C'est injuste !!! Vous auriez vu ce que cette ordure a fait à ma fille ! On est resté sans nouvelle d'elle pendant des jours ! Ce salaud nous a laissés espérer ! Si je pouvais... je ! ... je ! ... Je le tuerais de mes mains cet enfant de putain ! Quel monstre ! Une erreur de la nature pour s'en prendre à une enfant comme ça ! 12 ans !!! Elle n'avait que 12 ans !!!

Elle éclate. Elle pleure, n'arrivant presque plus à respirer. Elle se mouche. Elle trépigne. La douleur est forte.

C'est abominable !!! Je n'arrive pas à croire que ma petite fille soit partie ! Ca n'se peut pas ! Elle ne méritait pas ça ! Je ne peux plus... Je...

Elle se calme. Respire. Pleure de douleur, de peine.

Ma petite fille...

Elle chuchote encore.

Elle avait son cours de danse hier soir. Elle était la plus belle des danseuses. Un ange. C'était un ange ma Jessica. Et puis il riait de tout. On lui avait préparé un week-end pour aller voir sa meilleure amie à Cologne. Et elle devait passer ses vacances à St Barth avec nous et sa colonie de vacances. Elle voulait être actrice comme sa tante...

Elle pleure, a le regard dans le vide.

Elle était ma petite fille. Ma petite Jessica. Ma toute petite petite enfant. Elle était ma petite fille. Ma fille...

Elle sanglote.

Elle était jaune et bleue. Jaune et bleue. Ils l'ont retrouvée jaune et bleue. Et gonflée d'eau. Ma p'tite fille... Gonflée d'eau. Et ce salaud l'a abusée... 12 ans. Ma petite fille. Il l'a abusée. Il l'a trainée à travers toute la ville, enfermée à l'arrière de sa bagnole pourrie, à travers toute la ville. Il l'a prise en photo cet enfoiré. Il l'a abusée, il l'a trimbalée dans sa vieille caisse de merde et il l'a tuée. Elle était si jolie. Si belle...

Elle regarde l'homme assis dans le fauteuil en face d'elle, prend un air résolu et déclare...

Vous vouliez savoir ce que cet enfant de salaud a fait à ma petite Jessica. Il l'a kidnappée. Il l'a emmenée partout avec lui à travers la ville. Elle était enfermée dans son camion et personne n'a entendu les hurlements de ma petite fille. Elle s'est débattue. Il l'a frappée. Il l'a emmenée près du fleuve. Sur un chemin en pente où personne ne va. Il l'avait droguée. Il l'a violée comme un porc et quand il a eu fini de la salir, il l'a tuée. Il l'a ligoté et balancé dans la flotte. Son pauvre petit corps... Mon dieu... Et il lui a coupé les mains, il lui a enfoncé son couteau dans sa chair. Il lui a brisé les deux jambes. Il a accroché le reste de son corps avec des ficelles en haut d'un arbre et il a emporté la tête avec lui. Il a démembré ma petite Jessica.

Elle est épuisée. Elle pleure de plus belle et son attention est à nouveau reportée vers l'homme.

Sa tête, il l'a emporté avec lui. Il a donné le cerveau de Jessica à manger à notre chien. Et le reste... Il l'a balancé dans notre poubelle.

Elle se remet à pleurer. Elle prend enfin pleinement conscience de ce qui s'est passé. Elle commence à trembler.

Mon dieu...

Elle regarde à nouveau l'homme, fronce les sourcils.

ESPÈCE DE ... !

Elle se lève et se jète sur l'homme mais...

...

Elle tombe à terre. Elle ne pleurera plus. Alexandre l'avait fait taire.

jeudi 20 juillet 2006

Journal d'Hadrien

Extrait du journal d'Hadrien, 27 août :

Toujours les mêmes questions. Toujours les mêmes regards. Toujours les mêmes espérances des proches. Comme s'ils ne pourront jamais être satifait... Mais nom de dieu ! Lâchez moi !
Heureusement qu'Alexandre est là, putain. Y'a du bon parfois d'avoir un frère jumeau quand même... Irrémédiablement, il reste auprès de vous par peur des amalgames. Même s'il se contre-fout des foudres de Papa.
Il est plus fort que moi je pense... J'ai du mal à assumer le destin qui nous attend alors que lui est très impatient.
Aujourd'hui, c'est notre anniversaire, on a 17 ans. Maman a fait un gâteau gigantesque pour les potes du lycée. On sera pas nombreux. Juste la classe de terminale. Y'aura Laura aussi... Elle est intelligente, belle et futée. Il y a des rumeurs comme quoi sa famille est barge mais j'm'en fous. Elle est mon idéal. Alexandre s'est occupé de Matt. Il ne viendra pas nous déranger. Comme ça j'aurai peut-être une chance de la draguer. Ce serait vraiment bien.
Alexandre ferait tout pour moi. Je le sais maintenant. Je mesure la chance d'avoir un frère aussi fou. Les déménagements n'y changeront rien.
J'ai hâte d'être à ce soir ! La maison pour nous ! Une grande fête ! Laura ! Laura... J'suis content d'avoir acheté des capotes.



Extrait du journal d'Hadrien, 28 août :

Merveilleux. La nuit la plus magique de ma vie ! Laura n'a pas résisté longtemps... Elle est à moi ! Elle est à moi ! A moi ! Alexandre n'a même pas eu à argumenter... Tout seul. Je l'ai fait tout seul. On a eu beaucoup de travail à nettoyer le chantier dans la maison avant que Papa et Maman ne rentrent mais ça valait le coup. Remuer la terre après une fiesta pareille ! C'était magique.
Laura. Mon amour. La flamme à l'interieur de moi qui se consume.
Elle est arrivée légèrement en retard mais je lui pardonne... Elle portait une robe blanche. La mousseline lui descendait jusqu'aux genoux. Elle était coiffée comme une déesse. Elle était simple mais divine. Elle a cherché Matt pendant quelques heures. Elle l'a attendu. Et puis elle a bien vu qu'il ne serait pas là avec elle quand elle l'a vu dans le jardin avec les autres. La pauvre devait être déçue... Elle s'est mise à pleurer et heureusement que j'étais là pour la consoler. Alexandre a écarté ses copines. Toutes ces connasses qui lui tournent constamment autour pour s'abreuver de son talent, sans se soucier de l'énergie qu'elle détient au fond d'elle. Celle qui vit désormais en moi. Je l'ai emmené à l'étage, dans ma chambre. Elle n'a pas tout de suite compris qu'on allait se lier. C'était beau cette naïveté dans son regard. Si délicieuse. Si délicieuse...
Je ressens encore la résistance de ses poignets, la chaleur de son coeur, le souffle dans ses poumons, la douceur de ses jambes, le sucré de son sang... C'est plus agréable de goûter quelqu'un que de simplement s'enfoncer en elle. Même si se sentir au chaud à l'intérieur n'a rien de comparable. Mais la jouissance est éphémère... Alexandre a raison. Désormais, elle est en moi. Je la possède.

dimanche 9 juillet 2006

Sarah

Sarah a 6 ans. Sarah se balade en robe blanche à pois rouge et vert et Sarah aime les glaces à la vanille. Sarah adore les bonbons, faire de jolis dessins et son ours en peluche.

Sarah va à l'école. Sarah joue avec ses camarades à la récré. Sarah est une bonne élève qui apprend très vite à lire.

Sarah n'aime pas les vacances. Sarah est triste parce qu'elle habite loin de ses copains de classe mais Sarah ne s'en fait pas, elle les reverra l'an prochain.

En attendant, Sarah apprend le piano. Pendant une heure, deux, trois puis toute la journée. Mamie dispute parfois Sarah parce qu'elle préfère le piano à la compagnie de sa vieille grand-mère. Mais Sarah s'en fiche.

Mamie ne s'est pas levé ce matin. Papy est levé depuis longtemps. Papy s'inquiète. Papy monte à l'étage. Papy ne sait pas comment il va faire.

Sarah est un peu triste mais ne comprend pas trop pourquoi Papy pleure. Sarah tient la main de Papy mais pense à l'école, si proche. Maman et Papa sont là. Sarah est contente de les revoir.

Sarah a 8 ans. Sarah aime son Papy qui ne s'occupe plus que de son unique petite-fille. Maman ne trouve pas ça sain pour Sarah. Maman pense qu'il serait préférable que Sarah continue à jouer avec ses amis comme avant. Maman explique à Sarah qu'elle verra moins Papy. Mais Sarah s'en fiche.

Papa vient chercher Sarah plus tôt à l'école. Le cours de Sarah n'est même pas fini. Sarah fait des mathématiques. Sarah aime les mathématiques. Sarah aime réfléchir sur des problèmes d'horaires de bus ou de distance. Papa n'arrête pas de pleurer et Sarah ne comprend pas ce que Papa raconte. Papa aurait pu venir chercher Sarah à l'heure, surtout pour ne rien dire. Maman ne sera plus à la maison, Papa dit.

Papa est si bouleversé que Maman ne soit plus à la maison que Papa ne va plus à son travail. Sarah n'aime pas trop que Papa fouille ses tiroirs, kidnappe ses dessins, les donne au monsieur "trop gentil" chez qui Papa l'emmène deux fois par semaine. Sarah répond aux questions du monsieur "trop gentil" même si ça ne le regarde pas de savoir si "Maman lui manque quand même un peu, ou pas du tout ?". Mais Sarah s'en fiche.

Sarah a 12 ans. Papa ne pleure plus. Papa n'est plus à la maison. La tristesse de Papa n'existe pas dans la nouvelle maison de Sarah. Sarah est chez Tata et Tonton.

Sarah a 17 ans. Sarah plaît aux garçons mais Sarah n'est pas dupe. Sarah apprend dans les livres, de sa vie, des expériences. Sarah se moque du premier. Sarah renvoi le second. Sarah aime tout de même un peu le troisième. Le troisième est bien élevé et plaît à Tata et Tonton. Le troisième a un humour maladroit et taquine Sarah. Sarah ne le revoit plus. Sarah s'en fiche puisqu'elle n'est pas la seule.

Sarah a 25 ans. Sarah a connu des hommes. Sarah a connu des femmes. Sarah a un bon travail et vit confortablement dans son grand appartement. Sarah a toujours un piano chez elle. Le piano ne peut plus jouer. Le piano n'a plus de corde et son corps renferme quelques poisons infernaux.

Sarah est heureuse, belle et comblée. Sarah représente aux yeux des autres la jeune femme la plus épanouie au monde. Sans remords, c'est facile...

vendredi 7 juillet 2006

Le Patin

Bonjour. Je m'appelle Sarah. J'ai 19 ans. Cela fait un an que je suis étudiante. Mes parents ne roulant pas sur l'or, je suis en résidence dans la grande ville. Et cet été, j'ai gardé un enfant de 7 ans, Jérémie. Ses parents étaient partis en vacances sans lui, donc j'en avais la garde pendant 2 mois et demi, officiellement avec l'aide de la grand-mère mais que je n'ai vu que le premier jour. Du coup, je n'ai pas beaucoup vu mes amis mais il me fallait bien de l'argent pour vivre et en plus le loyer a augmenté... Jérémie avait une passion : la télévision. J'essayais de l'initier aux joies de la natation, des balades, des jeux de société, de la lecture, ... Enfin tout et n'importe quoi pourvu qu'il lève son nez de cet écran. Je ne comprends pas les parents qui laissent leurs enfants s'abrutir avec des choses pareilles. Au bout d'une semaine et demie, j'ai tenté le chantage. J'en avais assez de rester constamment enfermée alors je lui promis un film d'horreur comme il en rêvait (ses parents lui interdisant de les visionner) contre une ballade en patins à roulettes. Ce fut assez futé - je dois dire - puisqu'il a accepté. Alors nous voici partis tous les deux sur une piste patins dans le parc près de chez lui. Il a beaucoup aimé finalement, ne perdant pratiquement jamais l'équilibre. Comme s'il en avait toujours fait. Il eût en récompense un film style "nanard" où on voit les monstres en papier mâché. Pas de quoi effrayer un gamin de son âge. Tous les jours, je l'emmenais faire une petite séance de patins à roulettes et tous les jours, il avait droit à un film qui ne me coûtait qu'un franc au magasin du coin. Je commençais à apprécier le séjour chez lui. Pourtant au bout de deux semaines, il a commencé à faire des caprices... Durant une émission qu'il regardait, j'avais noté le nom d'un médicament qu'on donne aux enfants hyperactif. Je me suis procurée le produit auprès d'un de mes copains qui bossait dans une pharmacie pendant l'été comme magasinier. Ca faisait des miracles ! Il a cessé plus ou moins de m'ennuyer et était presque calme. Je continuais à l'emmener au parc. Jour après jour. Qu'est-ce que je m'ennuyais de mes amis... J'avais envie de partir... Au parc, il y avait des jeunes de mon âge qui profitaient de leurs vacances et moi, j'avais Jérémie. La dépression me guettait. Exactement comme je le pensais puisqu'une émission du soir me l'avait confirmé. Je n'avais plus envie de rien, je pleurais les soirs et j'avais perdu l'appétit. Jérémie, je crois, a compris mon manège et n'a plus pris le médicament que je lui mettais dans son chausson au pomme. Il était de plus en plus insupportable. Un jour, en ballade, j'étais en patins, un peu la tête dans la lune et il m'a poussé dans le lac. Nous sommes immédiatement rentrés. Arrivés dans sa maison, j'enlevais mes patins. Il était encore en train de les enlever que je me suis jeté à son pied pour le lui enlever de la jambe avec le sabre de son père. Oui parce que j'ai oublié de préciser, c'est que son père était fan des films d'arts martiaux et avait toute une collection de sabre qu'il gardait dans une pièce près de l'entrée, verrouillée en hauteur pour éviter que Jérémie aille la visiter. Le gamin m'a rapidement fatigué à hurler alors j'ai coupé tout le reste. J'ai tout rangé dans un sac que j'ai été, le soir venant, mettre à la décharge... Je ne savais pas qu'il y avait des horaires d'ouverture ! J'ai mis Jérémie avec les arbres et les déchets végétaux. Je suis rentrée, j'ai nettoyé. Qu'est-ce que ça avait tâché... Je me suis aperçu que j'avais oublié un patin. Aujourd'hui, il est dans ma chambre d'étudiante. Un joli patin orange et bleu à l'effigie de son dessin animé préféré... Regardez ! Il est beau n'est-ce pas ?