lundi 31 juillet 2006

La pensée d'Hadrien

Première séance de psychothérapie pour Hadrien. Il a 24 ans. Il est conscient de tout. Il est réfléchi, calme et tout disposé à se livrer. Est-ce parce qu'il en a besoin ? Alexandre avait peur que ce soit pour soulager son âme à cause de cette "pute de morale qu'il a vu à la télé". Sarah pense que c'est la curiosité qui l'a poussé à y aller. Hadrien est lui-même partagé, ne donnant raison ni à l'un, ni à l'autre.

Hadrien livre ses premiers secrets. Les raisons de sa naissance et de celle de son frère. Leur enfance, l'arrivée de Sarah, les grand-parents, toutes les choses qu'il juge être à l'origine de sa personnalité. Il avoue qu'Alexandre et lui portent en eux une différence, un sentiment très puissant de pouvoir que lui mesure et non son frère. Tout comme Sarah...

Depuis que je suis petit, j'ai très conscience de ne pas avoir un destin banal. Je suis très conscient que je vais accomplir des choses qui dépasseront l'entendement du citoyen lambda. Je ressens cette force en moi. Je ne veux pas me vanter Docteur mais tous les trois, nous sommes supérieurement intelligents. Même si ce n'est pas évident quand on connaît mon frère mais il me semble que si nous nous en sommes toujours sortis, c'est aussi grâce à ça.

Le "docteur" comme il le nomme pense alors sûrement aux aléas de la vie. A la mort de Grand-Mère, à l'endettement du père ou tout simplement au déménagement qu'ils ont probablement subis étant petits.

Je veux dire... nous prenons plaisir à faire ce que nous faisons. Nous le faisons bien. Et parfois Alex nous appelle des "artistes". Je ne sais pas s'il a complètement raison mais c'est vrai que parfois je me perds à la vue de telle ou telle couleur. Je me perds dans la magnificence du moment. J'aime tellement cette puissance, ce pouvoir.

Peut-être que ce qui caractérise ce garçon, c'est le fardeau du succès...

Nous sommes les maîtres du monde. C'est ce que je ressens dans ces moments-là. Et parfois, c'est normal, on subit des menaces. Et Maman nous a très bien élevés par rapport à ça. Elle dit toujours que "le silence est le plus grand des mépris". J'en ai pris mon parti pour en faire un "C'est quand on a rien à perdre qu'on peut tout faire, sans limite". Alors les menaces, les chantages, ça nous passe par dessus la tête. Papa ne comprenait pas. Il disait qu'on était des têtes brûlées. Qu'on ne réfléchissait pas aux conséquences. Mais il n'a jamais pu comprendre.

Alors leur père doit être parti ou mort selon ses dires.

Je pense que c'est elle qui l'a fait partir. Maman. Elle voulait qu'on s'épanouisse dans notre art, qu'on donne le meilleur de nous-même. Je n'arrive pas à comprendre qu'elle ne soit pas fermée à ce qu'on fait. D'années en années, je suis toujours aussi étonné du soutien qu'elle nous apporte. Comme si elle n'avait pas pu accomplir elle-même ce qu'on fait.

Visiblement oui, c'est bien d'art dont il parle. Sa mère doit être frustrée et a dû pousser ses enfants vers une voie qu'elle fantasmait. Intéressant.

Je me souviens de la première. Elle était magnifique. Sculptée dans le marbre. Laura elle s'appelait. Alexandre m'avait dit que c'était une expérience unique. Nos parents s'étaient absentés. Sarah était partie je ne sais plus où, on avait la maison juste pour nous deux. On avait décidé de faire une fête. J'avais invité Laura. Alexandre s'était assuré que son copain ne viendrait pas. Si vous voyez ce que je veux dire. A un moment, on était plus que tous les deux. Et je l'ai goûté. J'ai goûté au monde ce soir-là. C'est par elle que tout a commencé.

Cette première expérience sexuelle doit être à l'origine de ses premières inspirations artistiques.

Au fait, je compte manger ces quelques biscuits... Vous en voulez ? J'ai un petit creux

Ils ont l'air bons ces biscuits... Pourquoi pas...

J'avais conscience de ce dont j'étais capable de faire. Mais je ne sais pas si c'est parce que j'étais trop jeune ou si c'est parce que j'avais peur... Toujours est-il que pour moi, c'est venu plus tard que pour Alexandre. J'ai jamais eu de complexe par rapport à ça. C'était naturel. Dans l'ordre des choses, de mon évolution personnel. Si je ne l'ai pas fait avant, c'est que je ne devais pas être prêt.

De sexe ou d'art ? Ecoutons...

Est-ce que j'aurai pu passer à côté de tout ça ? Est-ce que j'aurai pu mener une vie "normale" ? Est-ce que j'aurai pu être comme tout le monde ? Je ne pense pas. Je ne crois pas non plus, comme on l'entend dans les médias, que c'est à cause de l'éducation de nos parents. Je sais que je suis né comme ça. Je suis né avec des desseins particuliers. Je suis né avec cette aspiration personnelle. J'en suis certain. Maman ne nous a donné qu'un coup de pouce mais je ne pense pas qu'elle soit entièrement responsable.

Il est conscient du rôle de la mère dans son évolution mais ne lui cherche-t-il pas des excuses pour l'orientation de ses choix de vie ?

En tous cas, je crois comprendre maintenant que j'en ai parlé à haute voix, que rien n'aurait pu être différent. J'espère que vous avez aimé les gâteaux... C'est ma soeur qui les a faits. A base de Lepiota clypeolaria.

De quoi ?

Adieu docteur.

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