dimanche 9 juillet 2006

Sarah

Sarah a 6 ans. Sarah se balade en robe blanche à pois rouge et vert et Sarah aime les glaces à la vanille. Sarah adore les bonbons, faire de jolis dessins et son ours en peluche.

Sarah va à l'école. Sarah joue avec ses camarades à la récré. Sarah est une bonne élève qui apprend très vite à lire.

Sarah n'aime pas les vacances. Sarah est triste parce qu'elle habite loin de ses copains de classe mais Sarah ne s'en fait pas, elle les reverra l'an prochain.

En attendant, Sarah apprend le piano. Pendant une heure, deux, trois puis toute la journée. Mamie dispute parfois Sarah parce qu'elle préfère le piano à la compagnie de sa vieille grand-mère. Mais Sarah s'en fiche.

Mamie ne s'est pas levé ce matin. Papy est levé depuis longtemps. Papy s'inquiète. Papy monte à l'étage. Papy ne sait pas comment il va faire.

Sarah est un peu triste mais ne comprend pas trop pourquoi Papy pleure. Sarah tient la main de Papy mais pense à l'école, si proche. Maman et Papa sont là. Sarah est contente de les revoir.

Sarah a 8 ans. Sarah aime son Papy qui ne s'occupe plus que de son unique petite-fille. Maman ne trouve pas ça sain pour Sarah. Maman pense qu'il serait préférable que Sarah continue à jouer avec ses amis comme avant. Maman explique à Sarah qu'elle verra moins Papy. Mais Sarah s'en fiche.

Papa vient chercher Sarah plus tôt à l'école. Le cours de Sarah n'est même pas fini. Sarah fait des mathématiques. Sarah aime les mathématiques. Sarah aime réfléchir sur des problèmes d'horaires de bus ou de distance. Papa n'arrête pas de pleurer et Sarah ne comprend pas ce que Papa raconte. Papa aurait pu venir chercher Sarah à l'heure, surtout pour ne rien dire. Maman ne sera plus à la maison, Papa dit.

Papa est si bouleversé que Maman ne soit plus à la maison que Papa ne va plus à son travail. Sarah n'aime pas trop que Papa fouille ses tiroirs, kidnappe ses dessins, les donne au monsieur "trop gentil" chez qui Papa l'emmène deux fois par semaine. Sarah répond aux questions du monsieur "trop gentil" même si ça ne le regarde pas de savoir si "Maman lui manque quand même un peu, ou pas du tout ?". Mais Sarah s'en fiche.

Sarah a 12 ans. Papa ne pleure plus. Papa n'est plus à la maison. La tristesse de Papa n'existe pas dans la nouvelle maison de Sarah. Sarah est chez Tata et Tonton.

Sarah a 17 ans. Sarah plaît aux garçons mais Sarah n'est pas dupe. Sarah apprend dans les livres, de sa vie, des expériences. Sarah se moque du premier. Sarah renvoi le second. Sarah aime tout de même un peu le troisième. Le troisième est bien élevé et plaît à Tata et Tonton. Le troisième a un humour maladroit et taquine Sarah. Sarah ne le revoit plus. Sarah s'en fiche puisqu'elle n'est pas la seule.

Sarah a 25 ans. Sarah a connu des hommes. Sarah a connu des femmes. Sarah a un bon travail et vit confortablement dans son grand appartement. Sarah a toujours un piano chez elle. Le piano ne peut plus jouer. Le piano n'a plus de corde et son corps renferme quelques poisons infernaux.

Sarah est heureuse, belle et comblée. Sarah représente aux yeux des autres la jeune femme la plus épanouie au monde. Sans remords, c'est facile...

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Le plus fou...C'est ce sentiment là. Qui t'envahit dès les premiers mots de la lecture. Le sentiment de vouloir exorciser ta crainte que la fin soit pire que ce que tu aurais pu imaginé. Alors tu essaies d'imaginer pire que le pire.

Là où toi tu excelles, c'est dans l'art de faire croire aux lecteurs ce qu'ils sont supposés voir. Leur faire penser qu'ils ont pris eux même leur chemin dans tes textes, alors qu'ils ont en fait suivis le fil même de ton récit. C'est un peu un Syndrôme. Quelque chose auquel on ne peut pas échapper. Et l'horreur survient, quoi qu'il arrive. Même si on voudrait s'y attendre, on ne peut pas...

Ca c'est enorme.

Theo-
Un Pianiste un peu blème

Anonyme a dit…

Pas mieux.

Celui-là, à la différence des autres s'exprime dans une durée longue et elliptique.
Comme si Sarah n'avait conscience d'elle-même qu'à travers un caractère épisodique, même si c'est la narration qui veut ça.
C'est-à-dire que la vie de Sarah ne s'exprime que par des crises, du moins on s'y attend. Peut-être est-elle innocente après tout, mais à ses propres yeux. Sa justice est subjective.

...

...

Faut que je le relise...