samedi 20 décembre 2008

Les dindes de Noël

Le claquement des talons. La couleur du rouge à lèvres. Le surplus de mascara. Les cheveux brillants. La couleur de la veste, de la jupe ou du string qui dépasse. Le vernis sur les ongles soignés. La coiffure minutieusement préparée. La façon de marcher, de se baisser, d'afficher un sourire.

C'est la même chose pour les mâles même si les rituels de mise en valeur diffèrent. Ils veulent tous sortir de la masse, se faire remarquer, être différent. Ils souhaitent tous se faire remarquer, qu'on les envie ou qu'on les aime au premier coup d'oeil. Ils se pavanent comme dans les défilés ou dans les émissions à la télé parce que "si ça marchent pas eux, pourquoi pas pour moi ?".

C'était la femme de ménage d'un hôtel qui disait que les personnes qui avaient l'air les plus soignées étaient souvent les plus dégueulasses dans l'intimité. Au sens propre comme au figuré.

Dégueulasse, je ne sais pas. Vides et sans intérêt, y'a des chances. Pourquoi dépenser autant d'énergie et de fric dans des trucs aussi futiles qu'une veste à 800 euros parce qu'elle est "classe" si ce n'est pour camoufler le manque de conversation, d'intérêt ou même d'intelligence ?

Cette fille qui danse au centre de la pièce, entourée de garçons qui la veulent dans leur lit et de filles qui aimeraient être à sa place, c'était l'attraction de la soirée. Et une fois le spectacle terminé, la voilà seule avec sa perruque, ses frou-frou et son rembourrage à se demander pourquoi derrière ce sourire factice, il n'y a pas un réel bonheur qui dure plus longtemps que les attouchements d'un de ses prétendants.

Il est seul aussi l'homme qui sait jouer de ses phéromones avec les demoiselles. Elles sont toutes autour de lui à vouloir le toucher, le caresser, le tripoter, faire mieux que la précédente. Les hommes aussi tournent autour de lui. Peut-être que les non-nominées auront besoin d'être consolées... En attendant, le lit du Don Juan les a toutes connu. Les plus belles en tous cas. Mais le jour venu où il est seul avec sa tristesse, il n'y a personne pour tendre un mouchoir à l'étalon qui se demande "à quoi bon...".

C'est en les regardant que je me rendais compte que nous étions toujours passés inaperçus. Nous étions communs, sans originalité aucune dans l'emballage, que nous étions des fantômes parmi une population faites de strass et de paillettes et qu'au final, c'est notre anonymat qui nous sauvera. Entrer et sortir à visage découvert. Les ringards vaincront car personne ne les remarque. Nous avons toujours été libres de faire ce que nous voulions et personne n'y a jamais trouvé à redire parce que nous étions toujours alliés avec Mademoiselle Discrétion.

Faire profil bas, ne jamais trop en faire, rester dans l'ombre. C'est Hadrien qui disait souvent ça à la Petite mais je n'avais jamais réalisé à quel point c'était vrai et efficace.

Ce doit être les fêtes de Noël qui me font cet effet-là... Marcher au milieu des paumés qui regrettent d'avoir une famille, pure perte de temps dans la recherche de l'autosatisfaction, au moment des fêtes. Regarder comment ils essaient d'accrocher l'oeil sur eux, d'attirer les regards, l'attention alors que tout ce que je cherche, c'est un moyen de départager qui remportera le ticket gagnant. Peut-être la pouffiasse décolorée qui me reluquait au loin et qui n'a pas pu s'empêcher de me bousculer en prétendant de ne pas l'avoir fait exprès, avec un sourire de catin et une expression de chaudasse dans la voix.

Je crois que ce Noël-ci, je vais faire comme les autres. Participer au sacrifice rituel d'une dinde et la partager avec la famille avec quelques sapins comme décor. Après tout, s'il le faut vraiment, adoptons les coutûmes sociales.

lundi 6 octobre 2008

Retour des Morts (-1)

S'il y a bien une chose qui m'irrite, c'est l'arrogance. L'arrogance et l'imposture. Je sais, c'est peut-être mal vu venant de moi.
L'imposture de cet homme se manifeste par le beau manteau "freak", comme il aime le dire, qu'il endosse sur ses épaules d'élitiste fébriles. L'homme vibre lorsque son goût est partagé mais n'hésite pas à cracher sur le système de valeurs de son prochain s'il ne lui est pas identique.
La beauté de son verbe réside dans sa chanson, qu'il n'hésite pas à répéter encore et encore comme un vieux disque rayé. "Je suis un freak (...) je suis tellement ouvert que je ne juge personne". Mais lorsque son prochain a ôté sa garde et montrer ce qui se passe derrière les armes, il rit. Il rit si fort à s'en moquer que le voisin, précédemment si heureux de pouvoir enfin admettre ses "faiblesses", s'en retrouve avec une frustation si intense que son second prénom veut bien laisser sa place pour le terme "Vengeance". Au revoir Jacqueline, Robert, Josephine, Edmond ou encore Clémentine. Bienvenue à toi Vengeance... Ne dévore pas le reste des noms sur cette carte d'identité qu'on souhaiterait conserver.

Mais le voisin se calme aussitôt que le temps a passé et qu'il a repris sa vie, loin de cet odieux personnage.

L'arrogant en rit encore, au téléphone avec ses amis... Le freak avec ses 131 amis. Celui-là même qui se vante partout de ne pas aimer les gens, d'être seul, d'avoir la vanne facile, de faire fuir les gens. Celui-là même qui aime amuser la galerie, faire des choses décalées pour plaire, avoir un avis sur tout pour qu'on le prenne en considération, qui veut savoir qui l'aime, qui le regarde, qui le désire.

Le freak, avec ses 131 amis, n'aiment pas qu'on lui mette le nez devant un miroir. Il n'aime pas qu'on fasse le bilan de sa vie, qu'on lui explique que sa façade ne tient pas longtemps, qu'elle s'écroule dès qu'il s'explique, lorsqu'il récite son poème, celui qui fait classe. Il n'aime pas qu'on lui rappelle que le savoir ne s'étale pas mais s'utilise. Il n'aime pas qu'on lui mette le nez dans sa merde.

Le moulin à paroles a finit de rire et de débiter ses conneries. Il a suffit d'un rien. Le coincer, l'embarquer, l'enfermer, l'épuiser, le sceller. Le plus dur était fait. L'oreille droite, la langue, le nez, les doigts d'une main, la main entière de l'autre côté, le nombril (surtout parce que ça fait longtemps que je n'ai pas vu ce qu'il y a derrière) et un pied. Mais après la confession. Après qu'il ait admis le rôle qu'il joue. Après qu'il ait pleuré comme une fillette et surtout, après qu'il se soit rendu compte à quel point il pouvait être stupide. Mettre ce spécimen face à la bêtise (qu'il a si souvent pointée du doigt sans réellement arriver à la viser directement), c'était le point d'orgue de ma journée...

... mais le téléphone a sonné.


"Oui...
_______ où ça... ?
______________ ... j'arrive tout de suite.
clac."

jeudi 2 octobre 2008

Retour des Morts

Hadrien,

Je ne sais pas par où commencer. Je me rends compte que je t'ai fait énormément de mal en disparaissant comme ça. Mais je pensais à l'époque que c'était la meilleure solution. La confiance que je te donnais aurait fini par te perdre. Tes oeuvres sont magnifiques et tu ne vis que pour elle. Je ne pouvais pas risquer de comprendre tout ça. Je suis désolée de m'être enfui comme ça. Je suis désolée d'avoir mis tout ça en scène. Je suis désolée d'être partie sans explication mais tu n'aurais pas compris.

Puisque tu voulais la vérité alors la voilà. En temps normal, quand on s'aime, on se réjouit, on se fixe, on vit heureux mais tu n'es pas le prince charmant. Je suis partie quand j'ai commencé à trop t'aimer. On ne pouvait pas avoir cet handicap toi et moi. Tu sais très bien comment finissent les gens comme nous lorsqu'ils trimballent pareilles faiblesses avec eux. On est bien mieux l'un sans l'autre.

Je t'aime assez pour ne pas t'oublier, pour penser à toi, pour ne rien regretter, pour avoir envie de t'avoir dans les bras mais j'ai essayé de m'empêcher de t'aimer au point de vouloir prendre soin de toi, de te supporter, d'espérer qu'on puisse être ensemble pour de vrai et qu'on arrive à se donner l'un à l'autre sans avoir peur de trop donner.
Je ne veux pas t'aimer au point où j'en arriverai à faire des sacrifices juste "parce que c'est toi". Je ne veux pas que tu me fasses souffrir et je ne veux pas te faire du mal non plus. On se serait dévorer.
La situation comme je te l'ai imposé, est idéale parce qu'on a eu que les avantages sans provoquer les inconvénients mais surtout les risques. Et je ne veux pas me laisser t'aimer au point où je me dirai "un jour peut-être, on se retrouvera" parce que ça reviendrait au même. On perdrait tout le jour où on se perdrait pour de vrai. J'ai préféré te libérer de ce poids en orchestrant tout ça.

Hadrien, tu dois aller de l'avant, continue ta vie, cesse de me rechercher.

mercredi 17 septembre 2008

Izen

Je l'ai croisé à une soirée chez mes nouveaux amis, le couple de la bande. Ils nous ont invité pour une soirée crêpes. Bien sûr, il y avait d'autres gens en couple mais ils étaient venus seuls. J'avais enfin trouvé des gens qui ne sortaient pas perpétuellement avec leur ombre. Donc il y avait le couple, Monsieur N, Lune, Patricia, Ralph, Vince et d'autres que je vois souvent mais dont je n'arrive jamais à retenir le nom.
Celui qui avait toute mon attention, ce n'était pas Monsieur N qui était caché derrière ses lunettes, concentré sur sa partie de poker, occupé à foutre une raclée à ses partenaires. Patricia est une femme. Ca a le désavantage que je me fous complètement de ce qu'elle peut bien dire ou faire. Ralph était encore lancé dans une interminable tirade poétique que personne n'écoutait mais qui le faisait vibrer. Vince regardait la télé avec les autres.
Non, celui que j'observais avec insistance depuis une bonne demie-heure, c'était Lune. Peut-être parce qu'il avait sensiblement le même comportement que moi. Être là sans vraiment l'être, penser à quelque chose ou quelqu'un qui n'est pas ici avec lui et pourtant, observer ce qui se passe et y prendre part.
L'intérêt mutuel a été exprimé via un regard serein, accompagné d'un sourire. L'approche fut moins calme. Le cirque a commencé quand nos personnages de clown ont pris les devants. En coulisse, les mains et les caresses ne mentaient pas.

Je ne l'ai pas revu par la suite. Enfin pas avant sept mois. On s'est revu à une soirée moins intimiste, dans un bar. Le cirque a recommencé et à l'abri des regards, toujours la même chose. Les regards, les caresses furtives, le souffle à des endroits qui appelle le frisson.

Les critiques sont unanimes, c'est un séducteur. Il n'aime pas une femme mais la femme dans toute sa généralité. Il la défend, la respecte et l'aime passionnément. Il l'aime toute la nuit, voire plusieurs nuits de suite. Personne ne se prononce en faveur d'une longue histoire passée. Tout le monde s'accorde à dire qu'il n'a jamais mis ses œufs dans le même panier et qu'il en a beaucoup...

Je me rappelle qu'à l'époque où je vivais avec les garçons, j'avais croisé ce genre de mecs. Le genre qui courtise, qui rend jaloux et qui pense pouvoir tout obtenir, ne jamais tomber sur une plante mortelle. Celui-ci était peut-être pire. Protecteur avec tout son jardin, à n'imaginer ses fleurs que belles, fragiles et à ses pieds. Le grand seigneur les protège.

L'envie du jeu est forte, très forte mais je ne sais pas si c'est bien judicieux de replonger là-dedans. Maintenant, j'ai une vie saine, j'ai une structure beaucoup plus "normale" et je dois m'y tenir. Qu'est-ce que je dois faire.

samedi 30 août 2008

Frontal

C'est quand Hadrien a parlé que je me suis sentie le plus mal. Il a touché à mes faiblesses et forcément mieux que quiconque puisqu'il est aussi passé par là. Fuir perpétuellement. Reproduire le même schéma, avoir enfermé la bête. Tout calculer, ne rien lâcher, tout anticiper, tout contrôler, improviser non sans filet puisque tout était analysé au préalable.

Il m'a dit : "Tu devrais apprendre à contrôler ton monstre. Comme avant. Car c'est ça ta plus grande force. Penser que c'est une faiblesse est une insulte à ta famille petite conne."

Je voulais arrêter, me ranger, avoir une parfaite petite vie. Il a raison. Je le sentais bouillir en moi et je pensais que j'étais seulement prête à faire une connerie ou ruiner mes derniers efforts pour me construire autre chose. Hadrien débarque de nulle part et me balance contre un mur. Le choc après avoir passé des mois et des mois dans un cocon très confortable mais seule avec mes pulsions.

Alors on en est là ? Je dois me libérer.

dimanche 27 juillet 2008

Jeune pousse

J'étais derrière toi dans le bus. Je t'ai regardé rentrer, t'assoir, sortir ton livre et bouquiner en attendant que le trajet se passe. Je t'ai vu réajuster ta jupe, regarder si tes chaussettes étaient toujours à la même hauteur. Je t'ai regarder enlever ta veste, apercevoir le bâtiment des étudiants par la fenêtre, scruter l'horizon à travers le champ qui sépare les deux villes, t'émerveiller devant les arbres qui bordent la grande route.
Je ne sais pas si c'est ta tranquillité apparente qui m'a intrigué ou l'excitation que tu tentais de cacher. Je ne sais pas où tu allais cette fois-ci mais je t'ai vu et je ne t'ai pas lâché.

La fête foraine n'était plus très loin. Le bus a marqué son terminus bien avant ta destination. Obligée de descendre avec les quatre passagers restants. Dont moi. On entendait les musiques, les cris des enfants, le choc des autos tamponneuses. Toi et moi, en direction du cirque ambulant. Se perdre au milieu d'un rêve peuplé de gens étranges et joyeux. Ton cynisme t'a perdu là-bas. Tu ne pensais plus à ces choses que tu aimes faire aux autres. Petite princesse perdue au milieu de nulle part. Le regard calculateur que tu avais en ville t'a lâché. Maintenant, on va pouvoir jouer.

Des reflets te guident à travers le parc. Passer devant la maison des miroirs, le pari du tireur, la pêche aux canards, rien ne t'intrigue plus que cette cabane d'où la lumière rouge sort. Une lumière intense et pénétrante. Découvrir ce qui se cache derrière la porte en bois. Des cheveux à terre, des matières collantes sur les murs. Du rouge, du blanc. L'artifice tombe.

Je t'ai attrapé avant que tu ne pénètres à l'intérieur. Tu avais l'air étonnée et choquée. A quoi pensais-tu en venant ici ? Avoir la paix ? Être seule ? Ne me fais pas rire. Ton existence et tes actes sont calculés pour qu'on ne t'oublie pas, qu'on pense à toi, qu'on te haïsse ou qu'on t'aime, peu importe tant qu'on s'intéresse à toi. Et ne t'inquiète pas, mon intérêt pour tes yeux, tes dents et ton trou béant est bien présent. Tu aimes les jeux dangereux, les heureuses surprises, assouvir ta passion contre quelque chose ou quelqu'un. Chérie, nous avons beaucoup en commun. Par contre, si tu continues de hurler comme ça, je pense qu'on va devoir se passer de tes gestes furieux et de ta voix de poissonnière. J'avais oublié à quel point une fille qui hurle de peur, c'est désagréable quand elle a une voix comme la tienne. J'aime être déstabiliser mais pas par un chant de corbeaux mourants... Je t'ai vu t'énerver sur ces personnes en te cherchant des excuses. Tu ne les connaissais pas non plus, Chérie. Pourquoi je devrais avoir pitié alors que tu as pris tant de plaisir à t'acharner sur des personnes que tu n'as fait que croiser dans ta vie ? La jalousie ? L'ennui ? Là, nos besoins diffèrent. Je détruis ce qui me gêne parce que je suis un nettoyeur. J'aime que les surfaces soient lisses quand je fous le bordel dans les entrailles des gens. J'aime que les draps soient propres quand je viole ta soeur. J'aime que les outils soient brillants pour y voir refléter le sang de ta tignasse ensanglantée. Cette cabane n'est pas une cabane. Ce bois n'est pas du bois. C'est un artifice, un appât pour toutes les petites filles qui s'ennuient et aiment épier les gens pour s'inventer des vies. Pourquoi ? Pour te faire comprendre que ta vie, tu ne l'as vécu qu'au travers des autres. Tu as jouis en imaginant des choses, tu t'es inventé des haines et rancoeurs en t'imaginant des ennemis. Ce que j'aime c'est ce regard exhorbité que tu as maintenant. Tu ne comprends toujours pas que certaines personnes aiment réellement passer à l'acte et que, lorsque ça arrive, tu ne peux rien y faire. Ta "justice" n'est que le fruit de ton imagination mais mon engin te remuant d'en dedans, c'est du concret. Comme le cadavre de ton père dans celui de ta mère. J'espère que tu vois le minutie de mon travail. J'aime aussi le souci du détail, de la mise en scène. A aucun moment tu n'y avais pensé ? Et tu pensais que tu étais la seule à jouer ce petit jeu... Qui je suis ? Je suis ton diable. Celui que tu n'as jamais pensé craindre et qui te sodomise sans préliminaire quand tu ne t'y attends pas.

Le paradis et l'enfer, c'est pour les enfants, pour les inciter à prendre le chemin le plus politiquement correct. Mais nous deux, nous savons que là où je mets mon plaisir dans ta douleur, c'est autant mon paradis que ton enfer. Et pourtant, nous sommes biens vivants tous les deux. Toi, je ne sais pas encore pour combien de temps. Est-ce que tu serais capable de survivre à tes blessures et d'arrêter de te comporter comme une enfant narcissique qui veut encore et toujours de l'attention ? Bien sûr que non. Arrête de pleurer, de toutes façons, je ne fais pas ça pour te juger ou te punir. C'est juste plus jouissif de te voir regretter quand je te maintiens en vie que si tu t'accrochais à l'espoir si je devais t'achever brutalement.

vendredi 30 mai 2008

Bye Bye Gregory !

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- Alors ? T'en as fait quoi ?

- Je l'ai attaché au bout d'une corde derrière la bagnole. Je me suis mis au volant et je me suis mis à rouler. J'ai varié les vitesses et j'ai profité des hurlements. Le pauvre, il a fini comme un morceau de gruyère.

- Et les restes ?

- J'ai fait ça près d'une ferme porcine. Et les traces le long des routes, j'ai laissé. C'était trop joli.

jeudi 29 mai 2008

Gregory

C'est un homme banal. Il n'a absolument rien de particulier. Il n'est ni beau, ni moche. Ni grand, ni particulièrement petit. Il n'est pas gros, pas maigre ; il est juste normal.

Lorsqu'on se penche un peu plus sur son apparence, on remarque qu'il a un sourire gravé sur le visage. Il a également le même regard qu'un écureuil. Aussi triste que naïf mais néanmoins curieux. Il a des mains frêles avec juste assez de muscles pour vivre en ville. Ce n'est pas un manuel. Mais pas forcément un intellectuel non plus.

Cet homme n'existe qu'à travers les autres.

C'est par la présence de ses amis qu'on le remarque en soirée. C'est par la jeune femme qui lui tient la main qu'on le regarde dans la rue. C'est par son métier et la puissance qu'il a entre ses mains qu'on le jalouse. Lui enlever sa cour, sa femme, son job ? Facile. Il suffit presque de claquer les doigts.

Gregory est dépendant. Il est très conscient que le monde qui l'entoure menace de s'écrouler à cause d'un rien. Il est plus nerveux qu'avant, plus paranoïaque, plus sélectif. Il renouvèle sans cesse son cercle d'amis car un ami, ce n'est pas fidèle. Un ami qui en sait trop et un traitre en puissance. Gregory est un homme qui s'entoure de paillettes pour briller devant son miroir. Gregory va bientôt s'éteindre.

Gregory a cotoyé un peu trop longtemps une jeune femme. Belle, intelligente, subtile, forte et mais docile. Gregory pensait avoir trouver le parfait faire-valoir pour sa petite existence.

Et si je vous disais que tout tourne toujours à la catastrophe à cause d'une femme ?

Une voiture s'arrête devant l'appartement de Gregory. Il n'est pas stupide, il sait qu'il peut avoir des ennemis. Son métier lui permet d'avoir accès à certaines informations, certains secrets. Il peut, grâce à ça, influer sur des décisions qui bouleverseront l'avenir de tout un groupe. Il se prend même parfois pour Dieu, secrètement, sous sa douche, dans son lit, au volant de sa voiture...
Une voiture s'est arrêté devant l'appartement de Gregory. Pas les nombreux "faux logements" qu'il loue un peu partout en ville. Non, celui où il vit réellement. C'est un homme qui sort du véhicule. Il sourit. Levant les yeux vers le ciel pour trouver puis fixer la fenêtre principale de l'appartement de son futur copain de jeu, Alexandre jubile. Il sent le frisson qui arrive le long de son dos. Le jeu va reprendre. Enfin.

Alexandre pénètre dans l'immeuble, vérifie ses poches, l'emplacement de ses instruments, si ses membres répondent toujours aussi bien qu'avant. Il n'a pas opéré depuis plusieurs mois, il n'a pas peur d'être rouillé, juste de ne plus être au sommet de son art.

Il sera 23h lorsque Gregory sera balancé, sonné, dans le coffre de la voiture. Alexandre l'emmène faire un tour à la campagne. Là où personne ne sort la nuit. Un endroit qu'il a étudié pendant plusieurs semaines.

Alexandre se met au volant de la voiture qu'il a "emprunté". Il démarre. Il allume l'autoradio. Il écoute quelques chansons en regardant le paysage défiler. Il jubile. Il se met à sourire. Il est heureux. Et dans quelques minutes, et si Gregory est tenace, pendant quelques heures, l'orgasme ne sera pas loin.

mercredi 28 mai 2008

Retrouvailles

Tu sais, ça me fait aussi mal qu'à toi. Ne me regarde pas comme ça. Et arrête de pleurer. On croirait presque que tu as peur de moi.

Je ne sais pas. Je n'ai pas réfléchi à ce que je vais faire de toi. Je sais pas si je pourrai te faire la même chose. Ne me regarde pas comme ça, on croirait que tu es comme eux.

Sarah...

Si au moins je pouvais te dire ce que j'ai dans le coeur, je le ferai mais là, j'ai bien d'autres choses en moi. C'est un peu brouillon et je ne suis pas sûr moi-même de comprendre.

Mais tu sais bien. Je ne sais plus vraiment qui on est. Tu nous a lâché et c'était dur. Tu es partie au moment où nous, enfin moi j'avais le plus besoin de toi. Tu te rends compte ce que ça peut faire de perdre quelqu'un qu'on apprécie vraiment ? Je ne sais même pas si tu te rends compte.

Ne me parle pas de ce guignol, je ne t'ai pas vu pleurer, ni même serrer les poings. On dirait que tu t'en fiche. Me sortir ça comme excuse pour essayer de te créditer, c'est du grand délire. J'suis pas stupide. Ca se voit bien. Que ce soit lui ou un autre, il n'y a aucune différence.

Non, si Alex a fait ça, c'est que ça le démangeait. C'était un parasite. Ca lui semblait évident de nettoyer un peu la situation pour faciliter la communication.

Mais non je te répète ! Pas par vengeance. C'était pas pour la venger si c'est ce que tu penses. Et pas non plus pour te punir de nous avoir balancés comme ça.

Non, pas balancés... Tu t'es enfuie. C'est tout. Y'a des choses qu'il faut faire correctement. Te barrer du jour au lendemain après avoir foutu un tel bordel, te mettre avec ce crétin, te préparer une petite vie rangée, tu crois franchement que c'était une chose à faire ? Pas nous.

Ne viens pas me balancer qu'on devait pas le faire. Ca nous manquait et c'était une grosse tâche de toutes façons. Et sois franche, t'avais encore envie de le supporter longtemps ? Arrête de râler pour lui. On t'en trouvera un autre. La question dans l'immédiat c'est de savoir si on t'en trouve un autre pour que tu joues avec ou pour qu'il te tienne compagnie dans une chaufferie...

Bah ouais, là, je t'avoue que j'hésite un peu. J'ai toujours été rancunier.

mardi 27 mai 2008

Hadrien et Sarah

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Hadrien est assis sur une chaise. Il repense à l'époque où Sarah n'était qu'une toute petite fille. Il se rappelle des premiers gestes de la fillette, ceux qui lui ont fait pensé qu'elle serait sa préférée.

Hadrien repense au sourire de sa soeur quand il lui apprenait à manier un couteau. Elle n'avait pas dix ans et s'amusait avec des armes blanches comme d'autres avec des poupées. Elle avait le même regard innocent que les autres. La seule différence, c'est qu'elle développait un talent inné. Les autres étaient inutiles. Oui, tout simplement inutile.

Hadrien esquisse un sourire en repensant à la première fois où Sarah est venue le voir en pleurant. Elle avait eu peur. Elle avait douze ans et elle avait eu peur. Ce qui lui semblait étrange, c'est que c'était la première fois.

Hadrien laisse échapper une larme. Il repense avec beaucoup d'émotion au connard qui avait oser la frapper. Il repense à la dispute qu'il avait eu avec Alexandre et aux horreurs qu'ils avaient faits subir au jeune homme pour avoir tâcher leur si jolie petite soeur.

Hadrien ressent l'amour qu'il a pour son frère. Hadrien ressent l'amour qu'il a pour sa soeur. Il se demande parfois si celui qu'il a pour Sarah n'est pas plus fort. Alexandre est identique à lui. Il est une partie de lui, physiquement et mentalement, même s'ils sont très différents. Mais Sarah est unique. Elle est une créature indépendante et il l'aimait aussi parce que, sans ce lien profond qui existe entre lui et son frère jumeau, elle a su faire partie intégrante du trio.

Hadrien essaie d'établir un lien entre la soeur qu'il avait et la femme qu'elle est aujourd'hui. Celle qui est accroupie devant lui.

Le réveil du Doyen

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"Salut ma grande. Alors, surprise ?"
"Ne hurle pas où je te tranche la gorge. N'essaie pas de te débattre non plus. Tu me connais depuis suffisamment longtemps pour savoir de quoi je suis capable."
"T'es pas content de revoir ton grand frère ?
"

Sans rire, à quoi elle pensait ? Qu'est-ce qu'elle croyait ? Que j'allais la laisser s'enfuir comme ça ? Ca me fait vraiment rire. Elle est vraiment très drôle cette idée. La laisser s'en aller sans rien faire.
J'ai mis le temps mais je l'ai retrouvé. Cette connasse. Elle pensait naïvement pouvoir m'échapper en changeant de nom, en se taillant une petite vie normale ? Sans rire. On a grandi ensemble ! Elle me connaît putain ! Elle sait comment je suis.
D'ailleurs, elle a rien pu dire. Elle était tellement stupéfaite de me voir. Déjà de me voir en vie. Quelle conne... Comme si Hadrien pouvait me liquider. Putain, c'est vraiment tordu comme idée. Bousiller sa propre gueule. Enfin bon, elle peut pas comprendre. Mais sa tête quand je lui suis tombé dessus. C'était jouissif. J'en ris encore.

"Tu dis rien. On t'a coupé la langue ? Allez Sarah, dis moi au moins "bonjour". Ca fait déjà deux ans qu'on ne s'est pas vu ! T'as du en faire du chemin. Tu vas pas me raconter ?
On a trucider de l'inutile ces derniers temps ? T'as pas un incapable ou deux à éviscérer ? En souvenir du bon vieux temps ? ... Merde, fais pas cette gueule."

Pour ma petite soeur, j'étais tombé dans un piège. Et probablement que j'avais du me faire torturer par mon frère. Mais Hadrien n'est pas fou. Enfin, il a presque retrouvé la raison mais il n'est pas fou. Il ne l'a jamais été. Il était juste dans une passage. Se faire voler sa copine pour des jeux qu'on pratiquait nous-même, forcément c'était dur. Et même s'il a eu sa grosse période de parano, il s'est repris. Il savait bien qu'on ne pouvait pas avoir fait ça.
C'est sûr que quand Sarah a foutu le camp en foutant son merdier, ça lui est resté un peu en travers de la gorge. Ca n'aidait pas à la blanchir totalement. "Peut-être qu'elle avait peur d'être remplacée" avait-il supposé. Je savais bien qu'elle était pas comme ça. C'est notre soeur, notre camarade de jeu, notre coéquipière. C'était surtout une élève douée.

"Il faudrait que tu vois Hadrien. Il est un peu en colère contre toi. Je vais te ramener là-bas, tu vas prendre le temps, lui expliquer clairement ce qui t'a traversé l'esprit... Et ouais ma grande, Hadrien est encore des nôtres. Il lâchera pas sa vie aussi facilement que ça ! Surtout pas pour une femme."

Quand j'ai prononcé son nom, j'aurai presque cru sentir qu'elle avait plus peur de lui que de moi. Avec le recul, je ne sais pas trop comment je dois le prendre. Je pensais être le plus cruel des trois.
Je l'ai prise par le bras, on a été chez elle prendre des affaires. Elle a laissé un mot pour son cher et tendre. On est parti.

Sauf que lui, il était déjà là-bas.

lundi 26 mai 2008

Le Hurleur

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- J'aime découper de la viande -


C'est à peu près la seule chose qui puisse me calmer dans ces cas-là. Quand j'entends cet enfant hurler encore et encore, pour rien. Juste pour exister. Quand je sens le sol vibrer, que mon coeur sursaute lorsqu'une porte claque, j'aimerai l'avoir en face de moi.
Lorsqu'il crie ses caprices et qu'encore et encore il salisse violemment le nom de ses parents, j'aimerai faire couler l'eau et le noyer tendrement en le regardant tout doucement s'en aller.

Jour après jour, semaine après semaine... Mois après mois et bientôt tout au long de cette fichue année, j'entends sa voix, sa présence, sa désobéissance, son arrogance... J'aimerai descendre ces quelques marches et les lui faire oublier.

Je découpe quelques cadavres d'animaux avec mes nouveaux couteaux. Je coupe car j'entends. J'affûte car je vibre. Plus les secousses sont intenses plus l'envie est grande.

Les parents viennent de s'absenter. Ils viennent de fuir. L'enfant n'a pas dix ans. Il est seul dans le grand appartement du dessous. Il hurle parce qu'il a lassé ses parents. Ils sont partis en voiture, loin, pour se calmer. Le père était à deux doigts de lui fracasser sa main dans la tête mais il est parti. La mère voulait se faire couler un bain et a eu de vilaines pensées alors elle l'a accompagné. L'enfant hurle de plus en plus fort. Il passe sa colère, son sentiment de trahison et d'abandon sur les portes, les murs, la vaisselle à portée de main, il a cassé tous ses jouets.
Les parents ont tenté de rentrer déjà deux fois mais l'enfant n'était toujours pas épuisé.
Un voisin est allé voir mais l'enfant l'a insulté, mordu et lui a cassé un vase dans le dos. Il est parti lui aussi.
L'enfant continue de hurler, de crier des insultes, de jurer vengeance. L'enfant n'aura pas dix ans. Pas s'il continue.

Je ne sais pas si j'étais réellement consciente, si c'était un moment de folie passagère ou si ma nature profonde s'est révélée pendant cet après-midi là mais la jouissance était là. J'ai aimé changer de matière. J'ai aimé enfoncer ces lames si belles dans cette peau, dans ces muscles. Ces couteaux sont absolument exceptionnels. On taille vraiment de belles pièces avec. Et elles se lavent si facilement.
J'ai détesté pendant si longtemps l'entendre hurler mais l'entendre hurler sous la douleur lorsque je lui arrachais les joues à mains nues, c'était si bon. C'était comme si, puisqu'il avait une raison, ma raison, il avait alors toute mon attention. Je l'ai entendu hurler avec plaisir quand je lui ai coupé les oreilles et que j'ai arraché sa langue. Il a cessé de hurler. Je ne pensais pas qu'il resterait éveillé si longtemps. Il était vraiment résistant à la douleur ce mioche.


Manque de bol, ce sont les parents qui crient maintenant...

dimanche 11 mai 2008

Le cadavre sort du placard

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Comment j'ai brisé sa vie.


Je lui avais parlé grâce à notre passion commune : la photographie. Je prenais des photos de portraits principalement et lui, les retouchait. On ne s'était rencontré qu'une fois et brievement. Il m'avait pourtant laissé le souvenir intact d'un don juan qui n'a pas froid aux yeux. Il m'avait abordé en me demandant si je voulais l'embrasser. Tout simplement et sous le regard un peu perplexe de mon compagnon de l'époque, qui était un très bon ami à lui. C'est comme ça qu'il engage la conversation avec les femmes.

Il voulait son baiser. Je voulais en savoir plus. On s'est reparlé. Il m'a montré les photos qu'il avait remaniées et je lui envoyais quelques uns de mes projets. On travaillait en symbiose à distance. On échangeait de la musique, des opinions, des détails sur nos mondes réels et nos mondes imaginaires.
On s'est aimé dans un lit, dans la cuisine, sur la table du salon, dans les bois, dans une salle de cinéma, sur le bord d'une autoroute, d'un wagon de train vide. Seulement dans ces moments-là. En dehors, malgré nos projets, on savait l'un comme l'autre qu'on pouvait se haïr. J'étais une menace potentielle. Je savais certaines choses qu'il cachait depuis des années.

C'est le jour où il a été trop loin que je l'ai trahis. Il fallait que je l'arrête, que je l'empêche de faire du mal à mes proches. C'est beaucoup moins drôle de savoir qu'il joue au docteur quand on sait qu'il le fait sur des gens qu'on apprécie.

On était chez lui. Il avait amené une fille qui était proche de son cercle d'ami. Il me l'avait présenté pendant un de mes séjours chez lui. Et cette nuit, elle était toute seule chez lui. Elle était enfermée dans la chambre d'à côté.
Il est venu m'embrasser, me souhaiter bonne nuit et il est allé la rejoindre. J'ai tout entendu. Je n'ai jamais revu la fille. Et lui non plus après cette nuit-là.

Quand j'ai compris ce qu'il lui avait fait, comme aux autres, qu'il avait touché à quelqu'un de son cercle. Rien ne pouvait l'arrêter. Il se fichait de nous. J'ai contacté ses amis et on s'est arrangé pour que plus jamais il ne nous revoit. On l'a bannit.
On l'a privé de sa maison, des ses parents, de sa soeur, de toutes ses relations sociales et on l'a exilé.


C'est toujours différent quand c'est quelqu'un qu'on connaît. On est tout de suite plus touché. C'est horrible de finir sa vie de cette manière...


Comment il est réapparu...

Nous avons tous refait notre vie depuis. Je me suis séparé de mon compagnon de l'époque. J'ai déménagé à 850 kilomètres de chez moi. J'ai un nouvel ami. Un nouvel appartement. Une nouvelle bande d'amis. Je ne pensais plus à lui. Tout était derrière moi. J'avais tourné la page.
Et hier, il était là. A trois mètres de chez moi. Je sortais pour aller rejoindre des amis, je ne l'avais pas vu tout de suite mais il me suivait. J'ai emprunté une rue étroite et c'est là qu'il m'a rattrapé. Il m'a saisi à la gorge, il serrait de plus en plus fort en me regardant sans un mot.
Je me suis mise à pleurer. Je revoyais un cadavre que j'avais enfermé dans un placard et que j'avais oublié. Je pleurais de peur en le fixant. Je ne pouvais pas croire que c'était lui. Ca ne pouvait pas être lui. C'était impossible. Pas lui.
Il a lâché mon cou mais m'a pris par les bras. Il m'a serré très fort contre le mur et m'a dit que ce n'était que le début. Il m'a frappé, je suis tombée, il s'est enfui.

J'ai continué à pleurer, dans la rue, les jambes tremblantes, à demander "comment ?".

mercredi 23 janvier 2008

Rejet

Ce soir, je me dis que si j'avais de la drogue chez moi, si j'avais l'habitude d'en consommer, si ça me faisait de l'effet, je prendrai tout.

Ce soir, je me dis que si un jour, j'ai cessé d'exister, c'est quand nos chemins ont divergés.

Ce soir, je me rends compte que je me mens.

Il y a des journées qui sont le résultat de mois d'efforts à se construire ou à se reconstruire et par un flash, une illumination, on sait qu'on a tort depuis le début. Qu'on s'est planté. Il n'est pas trop tard quand on a le souffle en bouche. Mais où chercher la réponse à l'énigme qu'on croyait avoir résolue ?



La vie normale. Le travail, le bureau qui ouvre chaque jour à la même heure. Le café du matin. Le collègue qui arrive en parlant des résultats de foot et on s'en fiche. On est concentré sur son travail. On pense à ce type qui n'est "qu'un crétin". On regarde l'heure. Bientôt l'heure de manger. Toujours même endroit, même personne. Regarder les actualités. Se remettre au travail. Se réjouir car bientôt l'heure de rentrer. Arriver chez soi. Partager quelques sourires avec l'inconnu. Manger encore. Dormir après avoir régler le réveil pour demain.


La vie normale. Mais pas seulement. Le mouton s'endort dans son train. Bercé par le rythme ininterrompu de la vie normale, il y est confortablement installé et n'aime pas bouger. Même pas le bout de son oreille.

On a tous des passions qui nous sont propres. Et souvent, on s'entoure de gens qui comprennent nos passions ou nos motivations.
Parfois, on se rend compte qu'on s'est entouré de la mauvaise personne. Moi, c'était ce jour-là.


Elle avait faim. Elle se sentait faiblir. Il fallait avancer l'heure du repas de midi. Elle se levait, allait chercher de l'argent au distributeur de billet le plus proche. Immanquablement, il était hors service. Elle repassait devant la boutique de sandwiches, s'en payait un, à défaut d'un vrai repas. Elle retournait au bureau. Elle descendait vers la cuisine commune, pour manger avec les autres. Une fois les discussions d'usages finies, elle remontait, lisait les actualités, apprenait qu'un de ses artistes de coeur venait de mourir. Elle avait un pincement au coeur qui n'allait pas s'en aller de la journée.

Elle essayait de ne pas y penser mais revenait régulièrement sur la page qui annonçait le début d'une grande réflexion. Elle espérait voir venir rapidement l'heure de s'en aller pour respirer mieux et tenter de comprendre. Elle essayait de joindre un ami à elle. Un très proche ami. Une petite manifestation de soutien. Il savait en l'apprenant de son côté, que ça allait la toucher. En rentrant, elle ne trouvait personne. Elle était seule avec son coeur plein de piqures. Elle allait pouvoir réfléchir. Penser à l'identité de celui qui vit avec elle. Celui qui ne comprend pas. Celui qui ne se doute pas. Celui qui lui est pourtant si proche d'elle et pourtant si éloigné. Est-ce réellement lui dont elle a besoin pour s'épanouir ? Alors elle repart à réfléchir. Seule dans son lit, le coussin propre déjà couvert de larmes noircies par le mascara qu'elle a mis ce matin.
Pourquoi ne comprend-il pas ? Pourquoi cet homme au témoignage si véridique n'est-il pas là, dans ce lit, à l'étreindre de toutes ses forces pour la consoler sans un mot. Sans "chut", sans "j'aime pas te voir comme ça", sans "ça va aller".
On s'en fiche si ça va aller ou pas. On s'en fiche que tu n'aimes pas nous voir comme ça. Ca nous agace encore plus d'entendre des "chut" pour nous calmer. Prends moi dans tes bras, sers moi fort, ne dis rien, reste juste là. Pourquoi en faire trop ? Pourquoi toujours chercher à fuir ces émotions en tentant de faire rire l'autre ?

Non.


Il n'est pas lui. Pas l'autre. Nous nous en rendons compte. Nous le savons. Nous nous remettons en question. Nous et les choix que nous avons faits. Ceux qui nous ont mené ici. Allons nous échanger la stabilité pour retourner dans une vie tourmentée ?

Oubliée, oublie moi

Je les veux tous. Ils ne sont pas spéciaux. Ils ont juste le minimum de charme requis. Celui-ci a les cheveux en bataille, une belle gueule et la clope lui va bien. Celui-ci me regarde avec insistance depuis plus d'une heure et n'a pas le courage de venir me payer un verre. Celui qui est adossé au mur discute avec une fille mais n'arrête pas de me sourire. Un autre me frôle en faisant des vas et vient au bar. Je commence à me dire que s'il veut clairement me mettre la main au cul, il n'a qu à y aller... Que s'il ne le fait pas, moi, je vais lui empoigner les couilles fermement histoire qu'il comprenne que celui qui sème, récolte parfois quelque chose. Le grand brun au fond me demande de venir. Je ne sais pas quoi décider même si j'ai l'impression que de toutes façons, j'ai le choix et que même malgré un choix, je peux toujours revenir en arrière.

On joue le rôle qu'on nous donne. Hier, j'étais misérable, abandonnée, sans connaissance, sans amis, sans famille et ce soir, je suis l'impératrice de leurs fantasmes.

Retour à la réalité. Ce soir, je suis fatiguée. J'ai envie de dormir. Mon canapé m'appelle. Un film me tient compagnie et voilà que le cirque commence. Hier, j'ai donné mon numéro de téléphone et "qu'est-ce que tu fais ce soir ?". Maintenant, soit j'assure et je sors. Au risque de rentrer dans quelques jours complètement défoncée par la fatigue, les évènements et le reste. Soit je reste à l'abri dans ma couette, sur mon canapé devant ma télé pour la soirée, au risque que plus personne ne m'appelle avant le prochain plan de soirée. Parce que c'est ça le truc. Trouver un filon et surtout l'exploiter pour toujours obtenir de l'or. Si tu laisses ton filon sur le côté, il t'oublie et t'oublies.

Tiens, à force de glander, je fous rien. J'ai plus trop de thunes. Je me demande bien quoi foutre. Trouver un taff pour remplir le frigo, trouver des morceaux de tissu afin de sortir en tenue "potable".

Le nouveau centre de sociabilisation. Après l'école, le collège, le lycée, la fac, les fêtes, les concerts, internet... le travail. Comment passer 38h par semaine (minimum) à côté de quelqu'un sans lui adresser la parole. On sait tout d'eux maintenant. Ce sont des collègues avec-qui-on-sortirait-bien-un-soir.

Les fêtes, la tribu, ça a du bon. C'est bon. Décision prise : ce soir, je sors. On ne vit qu'une fois. Appel vers P. parce qu'il sait toujours où on peut passer un bon moment avec des gens sympas et de la bonne musique. Ce soir, on sort tous ensemble. Concerts, danses, soirées,...
Voilà que le cirque recommence... Soirée d'extase et demain, on remet ça... Avec ou sans moi.

Petite virée au café du coin. Le barman sait déjà ce qu'il me sert avant même que je lui ai dit bonjour. J'ai ma table, dans le coin au fond. De là, on voit tout. De là, on n'attire que les regards des gens qui cherchent d'autres gens. Y'a ce mec. Il est accoudé au bar. Sa grosse est debout à côté et fait mine de vouloir rentrer. Elle n'est pas ravie d'être là et lui refuse de bouger. Finalement, elle s'arrache en le traitant d'on ne sait quoi. Y'a la jeune femme qui commence à afficher des rondeurs de future mère. Elle est seule. Ses amies ne sont pas encore là. Elle veut de l'attention, parle au serveur qui, pourtant, s'échappe pour prendre une autre commande, tente d'arracher un sourire à l'étudiante dépressive de la table d'à côté. Y'a J., l'étudiant de science-Po qui vient d'apprendre la mort de son pote de primaire. Ca fait longtemps qu'il ne l'a pas vu mais ça le retourne. Il parle tout seul. En venant ici, il espère trouver une épaule pour pleurer et peut-être une aventure pour penser à autre chose. Il y a également trois bandes d'habitués. Ils ne se connaissent pas et pourtant se côtoient tous les jeudis, vendredis et samedis soirs. Tellement absorbés par leur amitié, ils en oublient le reste du monde. Sauf quand l'un d'entre eux s'est fait plaquer ou qu'une des leurs s'ennuie dans le lit conjugal. Là, les regards sortent du cercle à la recherche d'un extra. Généralement, c'est moi.

lundi 7 janvier 2008

L'Ouragan après la sécheresse...

J'avais trouvé un appartement, un boulot, des "amis". J'avais même réussi à garder une relation stable avec un homme. J'avais réussi dans la normalité et je vivais ma vie loin des cris, des massacres, de la peur d'une vengeance fraternelle.

Ca a été dur. Il a fallu refouler beaucoup d'émotions, beaucoup d'automatismes. Mon instinct endormi, j'avais réussi à faire illusion et à paraître la sage brebis que l'on ne soupçonne même pas.


"J'ai enfin trouvé de quoi m'occuper l'esprit. Un job pas chiant, dans l'administratif. Il faut pas mal s'impliquer pour arriver à tout faire mais c'est tranquille dans le sens où ça m'occupe l'esprit plus de 9 heures par jour et où je peux rentrer le soir chez moi sans ramener le travail avec moi.
La société vient de devenir une Société Anonyme. On est à peine dix au bureau et la dernière fois, j'ai vu passer plus de dix mille dollars sur mon bureau. Je n'avais jamais vu de vrais billets dollers US en vrai."

"Ca commence à devenir une ambiance de potes au bureau. On s'entend tous bien. C'est très étrange d'être sociable avec de la sincérité. Ma collègue a une réputation de vrai dragon grognant à la première merde. D'après ce qui se raconte, elle est vraiment insupportable. J'espère pour moi qu'elle va rester calme et sympa. J'espère aussi pour elle.

"C'était extra ! Aujourd'hui, on a été au bowling tous ensemble. C'est l'anniversaire d'un gars du taff. Le plus sympa d'ailleurs. C'était génial. On s'est vraiment très bien amusé."


"Ca fait plusieurs semaines de suite que tous les matins, on descend toutes les trois pour discuter avant de se mettre à bosser. Le dragon, Kate et moi. C'est étrange cette complicité qui vient se former entre trois femmes..."

"Cela fait trois jours que le dragon s'est réveillé. Elle jure, elle hurle, elle rage comme les fous à la télévision. Elle est hystérique. J'ai déjà vu des hommes devenir à ce point fou sous le coup d'une rage qu'ils en viennent à tuer quelqu'un pour revenir à la raison. Je tente désespérément de garder mon calme. J'ai bien peur de ne pas pouvoir me contrôler très longtemps si elle continue de passer ses nerfs sur moi. Je rêve de lui faire subir des choses atroces, des nouvelles tortures auxquelles j'avais pensé avant de tout quitter la dernière fois. Juste pour lui redonner du calme..."

"Une semaine et demie. Je suis sur le point de craquer. Je rêve de la voir pendue au bout
d'une corde, la tête en bas. De lui lacérer le palais, lui arracher les dents, lui planter ses si précieux stylos à billes bleus dans le bout des doigts. De lui couper la langue et lui briser tous les doigts. Lui arracher les oreilles,... Tellement de projets me traversent l'esprit que je me réjouis presque du fait qu'elle devienne incontrôlable."


Je n'ai pas réussi à tenir. L'envie est devenue trop forte. Une telle provocation, une telle invitation au duel et je n'aurai pas répondu ? Jamais. J'aime jouer. Et après une période de sagesse, je crois que mes désirs sont plus violents que jamais. Elle continue de souffrir encore et encore... Maintenue en vie, c'est mon nouveau jouet. Je lui ai donné une bonne raison de hurler.